SCIENCES ET VIE 🔵 AstĂ©rosismologie : des astronomes dĂ©tectent les plus petits sĂ©ismes jamais enregistrĂ©s au sein d’une Ă©toile proche – Shango Media
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SCIENCES ET VIE 🔵 Astérosismologie : des astronomes détectent les plus petits séismes jamais enregistrés au sein d’une étoile proche

Epsilon Indi est un système stellaire localisé à environ 12 années-lumière de la Terre. L’une des étoiles de ce système, une naine orange, a récemment été examinée à l’aide du spectrographe ESPRESSO, installé sur le Very Large Telescope (VLT) de l’Observatoire européen austral (ESO). Les astronomes rapportent y avoir détecté de minuscules oscillations de type solaire. Cette détection de haute précision ouvre un nouveau domaine dans l’astérosismologie observationnelle.

L’astérosismologie est la discipline qui étudie les modes de vibration (ou oscillations) des étoiles. Pour notre soleil, on parle d’« héliosismologie ». La technique, alimentée par la photométrie spatiale, a déjà permis d’étudier en détail l’intérieur des étoiles de type solaire et des géantes rouges. À l’instar du Soleil, ces étoiles présentent des oscillations induites par des zones de convection proches de la surface. Les mouvements de convection entraînent le déplacement d’ondes acoustiques à travers l’astre.

La vitesse de ces ondes dépend de la température locale et de la composition chimique. Les modes d’oscillation qui en résultent informent ainsi les astronomes sur la structure interne de l’étoile. Cependant, les scientifiques se heurtent à des difficultés concernant les naines oranges (ou naines K). En raison de la faible luminosité de ces étoiles, leurs amplitudes d’oscillation sont extrêmement faibles (moins de 10 cm/s). Elles sont donc plus difficiles à détecter.

La naine sismique la plus froide observée à ce jour

« Seules quelques naines plus froides que le Soleil ont montrĂ© des oscillations de type solaire Ă  ce jour, et aucune n’est plus froide que ~5000 K Â», prĂ©cisent les chercheurs dans Astronomy & Astrophysics. Les naines K comptent aujourd’hui parmi les cibles privilĂ©giĂ©es dans la recherche de planètes potentiellement habitables.

De plus, en raison de leur abondance et de leur longue durée de vie, elles constituent des sondes uniques de l’évolution chimique galactique locale. Pour ces raisons, ces naines froides sont d’importants objets d’étude.

La photomĂ©trie spatiale n’étant pas efficace dans leur cas, les astronomes s’appuient sur les observations Doppler. L’effet Doppler permet de dĂ©terminer directement la vitesse radiale d’une Ă©toile, Ă  partir du dĂ©calage de ses raies spectrales. « La combinaison d’une grande surface collectrice, d’une stabilitĂ© instrumentale et d’une haute rĂ©solution spectrale rend le spectrographe ESPRESSO […] particulièrement adaptĂ© Ă  cet objectif Â», notent les auteurs de l’étude.

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L’équipe a ciblé une étoile du système Epsilon Indi (ε Indi), une étoile naine K dont le diamètre équivaut à 71 % de celui du Soleil. Elle est relativement proche de nous (3,64 pc), brillante et pauvre en métaux. On sait qu’elle héberge une géante gazeuse de type Jupiter froid, ainsi qu’une naine brune. Ce système constitue donc une référence pour l’étude de la formation de ces deux types d’objets.

Les chercheurs ont observĂ© cette Ă©toile pendant six demi-nuits consĂ©cutives avec ESPRESSO, en septembre 2022. « Nous sommes en mesure d’établir fermement la prĂ©sence d’oscillations de type solaire dans les donnĂ©es de vitesse radiale de ε Indi, ce qui en fait la naine sismique la plus froide observĂ©e Ă  ce jour », affirment-ils.

L’amplitude maximale des oscillations détectées n’est que de 2,6 centimètres par seconde. Cela correspond à environ 14 % de l’amplitude des oscillations du Soleil.

Des « laboratoires stellaires Â» pour Ă©tudier les phĂ©nomènes clĂ©s

Les mesures affichent un niveau de prĂ©cision sans prĂ©cĂ©dent. L’équipe qualifie ces rĂ©sultats de « prouesse technologique exceptionnelle ». « Cette dĂ©tection montre de manière concluante qu’une astĂ©rosismologie prĂ©cise est possible jusqu’à des naines froides avec des tempĂ©ratures de surface aussi basses que 4200 degrĂ©s Celsius, soit environ 1000 degrĂ©s plus froides que la surface du Soleil, ouvrant ainsi un nouveau domaine en astrophysique observationnelle Â», souligne Tiago Campante, chercheur Ă  l’Institut d’astrophysique et des sciences spatiales du Portugal.

Grâce à cette haute précision, les scientifiques pourraient élucider une incohérence de longue date entre la théorie et les observations concernant la relation entre la masse et le diamètre des naines froides.

Il s’avère que les modèles d’évolution stellaire tendent à sous-estimer (de 5 à 15 %) le diamètre de ces étoiles. L’étude de leurs oscillations permettra d’obtenir des données fiables, qui aideront à améliorer les modèles.

comparaison Ă©toile Epsilon Indi Soleil

Infographie comparant l’étoile ε Indi au Soleil. Crédits : Paulo Pereira/Institut d’astrophysique et des sciences spatiales

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Par ailleurs, l’équipe espère utiliser ces oscillations pour étudier la physique des couches superficielles des naines K. Ces étoiles sont plus froides et plus actives que le Soleil. Ainsi, elles constituent de véritables laboratoires pour étudier les phénomènes clés qui se déroulent dans leurs couches superficielles. Nombre de ces processus restent à éclaircir, y compris dans d’autres types d’étoiles.

Les « séismes » enregistrés peuvent également contribuer à préparer au mieux la mission du télescope spatial PLATO. L’un des principaux objectifs de cette mission est la découverte et la caractérisation d’exoplanètes de type terrestre autour d’étoiles proches. Son lancement est prévu pour 2026.

Vers une caractérisation plus détaillée des naines oranges et leurs planètes

Grâce aux données sismologiques, les scientifiques de la mission PLATO espèrent obtenir un meilleur aperçu des caractéristiques et de l’évolution des étoiles, améliorant ainsi notre compréhension de systèmes planétaires. Les amplitudes d’oscillation enregistrées pour ε Indi permettront de prédire les amplitudes en photométrie, telles qu’elles seront mesurées par le télescope. Selon les chercheurs, ces informations sont essentielles pour estimer avec précision le rendement sismique de l’instrument.

Pour le moment, les résultats obtenus pour ε Indi démontrent que la puissance de l’astérosismologie peut désormais être utilisée pour la caractérisation détaillée des naines oranges et de leurs planètes habitables.

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Ces étoiles restent stables plusieurs dizaines de milliards d’années sur la séquence principale. Par conséquent, la vie a potentiellement le temps de se développer sur une planète de type terrestre orbitant autour. En outre, par rapport à une étoile comme le Soleil, ces étoiles émettent moins de rayonnement ultraviolet. Sachant que ce dernier peut causer des dommages à l’ADN (en cas de surexposition), il pourrait nuire à l’émergence d’une forme de vie basée elle aussi sur l’acide nucléique.

Enfin, la dĂ©termination prĂ©cise de l’âge des naines froides proches, possible via l’astĂ©rosismologie, peut ĂŞtre cruciale pour l’interprĂ©tation des biosignatures repĂ©rĂ©es dans les exoplanètes directement imagĂ©es, ajoute l’équipe. « Chaque fois que nous ouvrons une nouvelle fenĂŞtre sur la nature, de nouvelles surprises nous poussent vers de nouvelles dĂ©couvertes inattendues. ε Indi dĂ©tient la promesse d’être une telle fenĂŞtre avec une vue lumineuse Â», a commentĂ© Mário JoĂŁo Monteiro, professeur au DĂ©partement de physique et d’astronomie de l’UniversitĂ© de Porto et co-auteur de l’étude.

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