RUGBYRAMA 🔵 Pourquoi le contre en touche de Toulon est-il si efficace ?
En quatre journées, le club varois a chapardé 17 possessions adverses sur 62 lancers défendus. Un axe fort qui méritait bien une analyse.
Performant la saison passée dans le secteur du contre en touche, Toulon est en train de remettre le couvert lors de ce début d’exercice. Pour quelles raisons ? Tout d’abord, l’effectif varois regorge de spécialistes, et surtout, Pierre Mignoni n’hésite pas à les additionner sur le terrain.
Hormis face à Vannes, l’entraîneur varois a toujours réalisé des packs avec a minima trois bons sauteurs, et il est même monté à quatre lors du déplacement à Paris (Ollivon, Abadie, Ribbans et Mézou) et à La Rochelle (Ollivon, Abadie, Ribbans et Youyoutte). De quoi faire transpirer les talonneurs. Sur les 17 ballons volés, Toulon récupère en moyenne le ballon au niveau de ses 30 mètres (dix au sein de ses 22 mètres, un endroit où les Rouge et Noir font souvent le pari de sauter).
Abadie en menace principale
Ce ne sera une surprise pour personne, mais l’ex-Briviste continue de régner dans les airs avec déjà cinq ballons chipés en trois apparitions. La position du troisième ligne est intéressante à décortiquer. L’international français (une sélection) se place toujours sur le premier bloc de saut, une place d’ordinaire occupée par un deuxième ligne.
Dans cette zone, l’intéressé surveille ainsi le premier bloc et celui du milieu. Une présence qui a fait des merveilles lors des deux déplacements à La Rochelle et à Paris. Castres, la seule équipe qui a su éviter les mains du natif du Mans et a réalisé une belle performance dans le domaine (6/7), ne s’est pas trompé en lançant quasiment systématiquement en fond d’alignement.
Questionné concernant sa préparation, le joueur formé du Racing 92 a accepté de dévoiler une partie de sa méthode : « On utilise beaucoup la vidéo pour savoir comment l’équipe attaque en fonction des zones du terrain. Ensuite, il y a une part d’instinct, car on ne peut pas tout prévoir. Mais c’est tellement satisfaisant quand tu observes que le capitaine de touche adverse n’a plus de solution, qu’il ne sait plus quoi annoncer (sourire). Dans ma préparation, je regarde les trois derniers matchs de l’équipe adverse et les précédentes rencontres contre nous. On essaye d’être performant, et ça nous permet parfois de rester dans des matchs comme à La Rochelle. Il y a beaucoup de travail, mais parfois, sur le terrain, on fait aussi des paris. Parfois on saute, et d’autres fois, on décide de ne pas sauter. En sautant, on s’expose en bas [sur le maul porté], mais si on parvient à contrer, ça nous évite de défendre pendant 2 ou 3 minutes des séquences longues, physiques devant notre ligne. »
Si Toulon travaille beaucoup à la vidéo, les adversaires le font aussi. En l’absence d’Abadie, Vannes a constaté que le premier bloc de saut est bien plus libre. Les Bretons en ont profité en visant la zone d’Alainu’uese.
D’une manière plus occasionnelle, mais toujours dans l’optique d’instiller de la crainte chez l’alignement adverse, Toulon met en place deux blocs de saut pour avoir une défense plus agressive et couvrant plus de zones. Un choix osé, qui est rarement utilisé dans le monde professionnel.
Ribbans en deuxième lame
Dans cette tactique, Esteban Abadie est le plus souvent aidé par David Ribbans. L’ancien membre des Saints de Northampton apprécie aussi bien le combat au sol que les duels aériens. Le deuxième, s’il échange d’une manière sporadique les rôles avec Abadie notamment quand un adversaire est bien plus grand que son cadet, s’occupe généralement de la zone médiane de l’alignement jusqu’au fond de l’alignement en cas de touche raccourcie.
Assez impressionnant dans le domaine, l’homme né en Afrique du Sud talonne Esteban Abadie avec déjà quatre lancers volés. Il a notamment fait une razzia à La Rochelle en suivant comme son ombre Cancoriet.
Pour contrecarrer le double mètre de « Ribeye », Castres avait usé d’une tactique efficace : Barlot a utilisé l’arme du lancer lobé sur le troisième bloc de saut. Les Tarnais, malins, avaient également pris le pari de réduire les alignements. Ainsi, Abadie est passé de la position de sauteur à celle de lifteur. Et nous l’avons vu, pour éviter le contre du Français, il vaut mieux le laisser au sol.
Ollivon en joker de luxe
Le capitaine de Toulon, as dans le jeu en touche et souvent utilisé dans le registre au niveau international, est moins efficace (1 seul contre) que ses partenaires mais surtout moins utilisé quand les deux premiers nommés sont présents. Il se charge du dernier tiers de l’alignement.
En revanche, en leader naturel, le Basque monte en régime quand les rotations ne permettent pas d’avoir Abadie et/ou Ribbans sur le terrain. C’était le cas, samedi dernier, contre Vannes. Avec seulement un autre spécialiste sur le terrain en la personne de Corentin Mézou, qui a été très performant dans le domaine lors de ses deux titularisations, le troisième ligne se partage la zone du centre avec un autre deuxième ligne.
Comme vous l’avez constaté, il vaut ainsi mieux jouer Toulon avec deux spécialistes qu’avec trois ou quatre experts dans le domaine. En ce début de saison, les Varois favorisent plutôt la deuxième stratégie lors des rencontres à l’extérieur. Cela tombe bien : la bande à Mignoni s’apprête à se déplacer deux fois de rang à Clermont et au Racing 92.