RUGBYRAMA 🔵 Berjon, l’histoire d’un atypique centurion
L’évolution de l’enfant du Stade rochelais, au club depuis 2010, détone dans les rangs du double champion d’Europe (2022, 2023). Ou comment ce demi-de-mêlée peu utilisé en espoirs est devenu l’un des plus précieux seconds couteaux de Ronan O’Gara. Voici Thomas Berjon, 26 ans, 103 matches avec La Rochelle, tellement « passionné » qu’il entraîne un club amateur à ses heures perdues.
Il fait partie – à l’instar des Atonio, Sazy et Botia – des murs du Stade rochelais. Au sens propre comme au figuré, d’ailleurs, puisque son visage est placardé depuis une poignée de jours sur celui, prestigieux, des « centurions » du club à la caravelle. Pourtant, il n’a honoré samedi dernier, face au Racing, « que » sa quarantième titularisation en l’espace de six ans chez les professionnels. « Il », c’est Thomas Berjon, quinze années d’ancienneté en jaune et noir, une tournée avec les Baabaas, éternel numéro 2 à son poste de demi-de-mêlée dans ce club maritime chevillé au corps. Un statut qu’il vit bien. Et qui le vaut bien.
« J’ai un peu un rôle « d’impact player » depuis quelques années. C’est vrai que quand Tawera (Kerr-Barlow) n’est pas là , souvent c’est moi qui joue et j’en suis très content. Après, je fais toujours en sorte d’être prêt si jamais Tawera est blessé, je travaille de mon côté, se livrait-il juste avant de défier le Racing (victoire 16-17 samedi dernier) de Nolann Le Garrec, futur taulier du poste à La Rochelle. Que je sois remplaçant ou pas, ça m’est égal. Je ne râle pas. Mon but, c’est qu’on soit performant et qu’on gagne des titres à la fin de l’année. On peut le comprendre ou pas, ça m’est égal »
Il revient de loin
Faut-il y lire en filigrane un manque d’ambition personnelle ? Son « très bon copain » Paul Boudehent est l’un des mieux placés pour décrypter la carrière de Thomas Berjon, 26 ans. « Le problème de « la Berje », c’est qu’on a Tawera dans l’équipe, un joueur extraordinaire. Il n’est pas numéro 1 mais n’empêche qu’il a toujours été là , il a toujours répondu présent. Il peut dépanner en neuf comme à l’aile. Ce qui est remarquable chez lui, c’est qu’il a toujours envie de jouer, il est toujours motivé pour aller sur le terrain. C’est ce qui a fait sa force. »
Au début, en espoirs, il ne jouait pas et était même en double licence
« Il a persévéré là où je pense que beaucoup d’autres auraient arrêté avant lui, n’oublie pas aussi de rappeler le troisième ligne international du Stade rochelais. Au début, en espoirs, il ne jouait pas et était même en double licence avec Puilboreau (club situé en périphérie de La Rochelle, où Berjon a commencé le rugby à 6 ans, NDLR), quand des mecs de sa génération jouaient avec les pros. Combien de mecs auraient abandonné, franchement ? Thomas s’est accroché, il est passionné par ce qu’il fait et par le club. Il n’a qu’une seule envie, jouer au rugby avec ses potes. »
De nets progrès, une polyvalence et une place de choix
Grand bien lui en a pris, de faire preuve de ténacité. Pas considéré comme un cadre de l’effectif chapeauté par Ronan O’Gara, Thomas Berjon n’en reste pas moins convoqué à douze des seize matchs de phases finales – il en a raté deux sur blessure et deux sur choix du staff – disputés par les Maritimes depuis le printemps 2022. Pour deux titularisations. Dont une, indélébile, en finale de la première des deux Champions Cup tombées dans l’escarcelle des Rochelais. Le sommet de sa vie de joueur de rugby.
La place de « la Berje », dès lors ? Celle d’un joker de luxe, sollicité a minima une vingtaine de fois par saison depuis 2020. Et dont la polyvalence développée dans les couloirs le rend quasiment indélogeable sur un banc en 6-2. « Une carte en plus dans mon jeu », appuie celui que nos confrères de Sud Ouest ont récemment baptisé « demi-de-mailier », déjà fort d’une vitesse et d’une finition (six essais sur le dernier semestre) remarquées. Tout comme sa progression sur les sorties de camp, « l’une de ses grosses qualités, apprécie le responsable de l’attaque Sébastien Boboul. Un jeu au pied comme ça avec de la longueur et de la précision, ça fait du bien. Il l’a démontré contre Pau (mi-septembre), malgré les conditions climatiques, avec quasiment un sans-faute. C’est important. »
La Rochelle, “the place to be”
« J’ai aussi un peu de chance, je ne suis pas souvent blessé, relève l’intéressé. Et je peux jouer deux postes. En tant qu’entraîneur, si j’ai un joueur comme ça, je suis content de l’avoir dans l’effectif (sourire) ». Un clin d’œil à sa casquette de… coach ! Auprès de son autre club de cœur, le RC Puilboreau évoqué plus haut, dont l’équipe senior évolue en Fédérale 3. « Je le fais pour mon plaisir, ça me sort du rugby pro, je revois les copains. Et ça me permet de passer mon DE (diplôme d’État, ndlr), pour pouvoir entraîner les espoirs, après ma carrière, au Stade rochelais. J’ai commencé à en parler », se marre-t-il, lui dont le bail maritime court jusqu’en 2028. « Officiellement. 2033, officieusement (rires). »
Je ne suis pas le meilleur, loin de lĂ , mais, sous ce maillot, je ne tricherai jamais
« J’aimerais bien être l’homme d’un seul club, revendique Thomas Berjon. Tout s’est toujours bien goupillé, je prends beaucoup de plaisir et j’aime porter ce maillot. Je ne suis pas le meilleur, loin de là , mais, sous ce maillot, je ne tricherai jamais, je serai toujours à 100 %. Je pense que c’est ce qui plaît aussi au staff et à l’encadrement. »
Et la perspective d’aller chercher ailleurs un costume de titulaire ? Évacuée. « J’accorde beaucoup d’importance à ce qu’il y a en dehors du rugby. Si on ne sent pas bien en dehors et qu’on vient à l’entraînement pour faire la gueule… Moi, ici, j’ai tous mes amis et ma famille habite à La Rochelle, je peux assez facilement sortir de ce cadre rugby. C’est ce qui me permet peut-être, aussi, de prendre beaucoup de plaisir. Je suis très content d’être au sein du club. Mon but à moi, c’est d’être prêt tous les week-ends, de répondre présent quoi qu’il arrive. » Le second couteau (rêvé) par excellence.