RFI 🔵 Syrie: «Cela fait deux mois que les groupes rebelles menaçaient le régime»
Les rebelles syriens poursuivent samedi 30 novembre leur avancée fulgurante dans le nord de la Syrie. Il s’agit d’une coalition hétéroclite emmenée par des groupes jihadistes. Ils contrôlent désormais la majeure partie d’Alep, deuxième ville du pays. Ils ont également pris le contrôle de l’aéroport et d’autres localités plus au sud, en direction des autres grandes villes syriennes. Analyse de Salam Kawakibi, directeur du Carep, le Centre arabe de recherche et d’études politiques.
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RFI : Salam Kawakibi, vous êtes originaire d’Alep. Quels sont les échos que vous avez sur l’état d’esprit de la population sur place ?
Salam Kawakibi : Il y a plusieurs sortes de peur. La peur au sein des gens qui ont soutenu le rĂ©gime. En majoritĂ©, ils ont quittĂ© la ville avec les dernières unitĂ©s militaires du rĂ©gime. Ou bien la peur des gens qui ont une image assez inquiĂ©tante des forces rebelles. Il faut savoir qu’il y a plusieurs composantes au sein de ceux qui ont pĂ©nĂ©trĂ© Ă Alep. Il y a les islamistes, bien entendu, mais il y a aussi les rĂ©sidus de l’ArmĂ©e libre, il y a aussi d’autres brigades.
Pour l’instant, ils diffusent des vidĂ©os et des messages sur les rĂ©seaux sociaux comme quoi ils ne vont pas se venger et toutes les communautĂ©s pourront exercer leur foi et ĂŞtre tranquilles. Mais tout ça, c’est de la propagande. Il faut attendre les heures prochaines pour ĂŞtre sĂ»r que ces rebelles vont respecter la situation sociale et communautaire de la ville d’Alep.
Comment se fait-il que cette coalition de groupes rebelles ait pu avancer aussi rapidement ?
Il faut savoir que comme il n’y a pas de force armĂ©e syrienne proprement dite, c’Ă©taient des voyous, des bandits qui contrĂ´laient les checkpoints et qui rackettaient les gens. La force principale qui dĂ©fendait la ville, c’Ă©taient les milices iraniennes et le Hezbollah. Vu ce qui s’est passĂ© ces dernières semaines, voire quelques mois, le Hezbollah s’est retirĂ© petit Ă petit et il ne voyait plus les batailles au nord de la Syrie. Il voyait que leur vraie bataille, c’Ă©tait au sud du Liban. Alors cela explique en partie – parce que les choses ne sont pas encore très claires – cette dĂ©faite humiliante des forces du rĂ©gime.
Qu’est-ce qui explique le lancement de cette opération ?
Cela fait deux mois que les rebelles menacent le rĂ©gime et lui demandent d’arrĂŞter les bombardements aveugles des zones contrĂ´lĂ©es par les rebelles. Pour ça, ils ont choisi l’intitulĂ© de leur opĂ©ration : « Riposte Ă l’agression ». C’est-Ă -dire qu’ils sont en train de riposter Ă l’agression qu’ils ont subie depuis 2019. Et depuis, la violation que le rĂ©gime n’a cessĂ©e d’effectuer contre les accords d’Astana, qui impliquaient que les rebelles ainsi que leurs parrains turcs [devaient] respecter un cessez-le-feu avec le rĂ©gime syrien et ses parrains russes.
Ces accords d’Astana ont Ă©tĂ© violĂ©s Ă maintes reprises par le rĂ©gime et par la Russie. Et ça fait deux mois que, dans cette zone, on parle de ripostes probables et que les rebelles se prĂ©parent pour une opĂ©ration. Mais personne ne s’attendait Ă une opĂ©ration de cette envergure.
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