OUEST-FRANCE 🔵 Jeux paralympiques. Anaëlle Roulet, un dernier plongeon pour le plaisir
« Je ne sais pas trop où je vais mettre les pieds. Aux Jeux, on peut nager devant 17 000 personnes. Je n’ai pas l’habitude, donc ça peut me stresser », avouait Anaëlle Roulet il y a quelques mois, au moment de se projeter sur ce fameux vendredi 6 septembre. Ce matin, elle lance ses Jeux avec les séries du 100 m dos dans la catégorie S10.
Contrairement aux apparences, la nageuse de 28 ans, touchée par une paralysie incomplète de la jambe droite, fait pourtant partie des sages de cette équipe de France de paranatation. Paris sera même le dernier grand rendez-vous de sa riche carrière, quatorze piges à plein régime pendant lesquelles elle a participé aux Jeux paralympiques de Londres, Rio et Tokyo. « J’ai fait le tour du haut niveau. J’ai tout vécu, sauf un titre de championne du monde, d’Europe ou olympique, mais j’ai envie de passer à autre chose. Et comme, ce sont les Jeux à Paris, je me dis que ce sera le bon moment pour mettre un terme à cette carrière devant ma famille, mes amis. »
« Je ne profitais pas de mes Jeux »
Anaëlle Roulet rêve évidemment de monter sur le podium de la piscine de la Défense Arena, elle qui se heurte pour l’instant à ce plafond de verre paralympique. Vice-championne du monde et d’Europe, elle a dû digérer la frustration d’une septième place à Rio, puis d’une cinquième à Tokyo.
Cette année, la nageuse du Cercle Paul Bert de Rennes a changé son fusil d’épaule. « Mon objectif sera de prendre du plaisir. Je n’ai plus envie de parler de médaille, car ça ne m’aide pas. À chaque fois, aux Jeux, je ne prenais pas de plaisir, pas de médaille, et j’étais dans un état pas possible. Je ne profitais pas, regrette celle qui a failli tout arrêter en 2016, après la déception à Rio. Là , j’ai envie d’y aller et d’avoir le sourire, peu importe le résultat. »
Cette nouvelle philosophie, la native de La Roche-sur-Yon la doit au travail entrepris depuis plus d’un an avec un préparateur mental. « Il m’a surtout fait comprendre que je pensais médaille, mais qu’une fois que je l’aurai, ça ne changerait rien, que je resterai la même. Donc, je me suis dit qu’il fallait peut-être prendre du plaisir finalement ! »
Arriver avec sérénité derrière le plot
Avec ce travail supplémentaire dans sa préparation, Anaëlle Roulet a appris à transformer son stress en énergie positive pour être prête le jour J. « Je pense que cela a surtout eu un impact sur la manière d’aborder la compétition, analyse Guillaume Domingo, manager de l’équipe de France de paranatation. Arriver avec sérénité, en ayant conscience du travail accompli et de son niveau. Aujourd’hui je pense qu’elle se dit : “j’arrive derrière le plot, j’ai fait ce qu’il fallait et maintenant place à la course et on verra bien le résultat”. »
Un changement d’esprit bénéfique pour lui permettre d’accrocher, enfin, une médaille paralympique ? Pour ses entraîneurs, la nageuse de 28 ans reste dans le coup. « Elle est montée sur le podium lors des deux derniers championnats (médaille de bronze lors des championnats du monde 2023 et championnats d’Europe 2024), rappelle Guillaume Domingo. Elle fait partie des personnes sur lesquelles on compte pour briller à Paris. » « Bien sûr qu’elle sera en mode compétitrice, et elle aura envie de terminer le plus haut possible, prolonge Matthieu Burban, son coach au CPB Rennes. Si elle en forme, elle se battra pour un podium. »
Cette année, Anaëlle Roulet aura en tout cas mis tous les ingrédients pour y arriver. Elle a choisi de se préparer jusque dans les derniers instants dans son cocon rennais, loin de l’agitation parisienne, pour ne pas perdre d’énergie bêtement, comme elle l’avait vécu au Japon, en 2021.
Une vie « comme tout le monde »
Une fois, ce dernier plongeon réalisé, une nouvelle page s’ouvrira. Fini les vingt-cinq heures d’entraînement hebdomadaires en parallèle de ses études. Le début d’une deuxième vie qu’elle attendait, depuis un moment, avec impatience. « J’ai envie de découvrir ma “vraie” vie, celle comme tout le monde, confie-t-elle. Partir en vacances sans culpabilité, sans penser à la natation et sans se soucier de la reprise, très dure après rien qu’une semaine de coupure. »
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Après les vacances, la Française découvrira également le monde du travail. Son diplôme d’ergothérapie en poche, elle souhaite travailler dans un centre de rééducation, sur Paris ou en Vendée, sa terre natale. À ses patients, Anaëlle Roulet pourra peut-être raconter qu’elle a réalisé son rêve d’enfant : marcher dans les pas de Laure Manaudou, médaille autour du cou.