OUEST-FRANCE 🔵 Franz Ferdinand, Ringo Starr, Karen Lano, Lambrini Girls… : notre sélection musicale de la semaine
Rien n’est accessoire chez les Franz Ferdinand et surtout pas les pochettes. Pour ce septième album, le groupe britannique s’est directement inspiré d’un autoportrait de l’artiste hongroise Dora Maurer ; une photo de photo de photo, aboutissant à une troublante représentation fragmentée. Le tout au format carré, comme un CD ou un vinyle (!). Pour The Human Fear, forcément, chacun des membres du groupe apparaît sur les morceaux de l’image.
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« Quand tu regardes cette pochette, tu te dis que ça a déjà dû être fait, constate le chanteur-guitariste Alex Kapranos. Comme une bonne chanson, elle te donne un sentiment de familiarité. Une chanson devrait être comme cela, avoir un impact immédiat, mais qu’on puisse sans cesse y trouver de nouveaux aspects. »
Ă€ la limite du too much
Plusieurs chansons de The Human Fear ont ce pouvoir Ne serait-ce que par le contraste entre des textes évoquant peurs et angoisses existentielles humaines et des mélodies à la tonalité encore plus motrices et énergisantes qu’à l’habitude. À la limite du too much, mais généralement du bon côté. Sauf peut-être sur le gros pied techno de Hooked, bien qu’une dose évidente de second degré le fasse passer.
Les surprises ne manquent pas. Black Eyelashes et sa mélodie grecque, rappel des origines (du côté paternel) d’Alex. Le refrain à la Beach Boys de Tell Me I Should Stay entrelacé avec un couplet romantique. Ou encore le tout dernier titre, The Birds, chanson post punk plus tendue, dans l’esprit de The Fall.
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Se renouveler tout en restant familier
Le groupe apparaît dans sa nouvelle configuration déjà rodée sur scène. Aux côtés des historiques Alex et Bob Hardy (basse), la nouvelle batteuse Audrey Tait et le guitariste Dino Bardot. Alors que le claviériste Julian Corrie est désormais associé aux compositions.
Le producteur Mark Ralph, qui avait déjà travaillé avec eux pour Right Thoughts, Right Words, Right Actions (2013) était aux manettes des sessions essentiellement réalisées en Écosse. Alex a rajouté de nombreuses voix à Paris, y compris, assure-t-il, enfoui sous des couvertures dans la salle de bain, près de la chambre où dormaient Clara Luciani et leur bébé. Que l’anecdote soit apocryphe ou non, Franz Ferdinand a réussi le pari de se renouveler tout en restant familier. Ce qui est aussi la marque des meilleurs groupes.
The Human Fear, Domino, 11 titres, 35 min.
La légende : Ringo Starr
Country. Tout le monde ou presque se souvient des chansons sur lesquelles il chantait au sein des Beatles. Après tout, il n’y en a pas eu tant que ça ! En solo, Ringo Starr n’a pas atteint les sommets de ses trois camarades sans jamais, pour autant, entamer un capital sympathie immense. À 84 ans, voilà que le batteur des Fab Four se remet en selle pour un album country, composé en compagnie du producteur et musicien T-Bone Burnett. Rien d’étonnant quand on se souvient, entre autres, que Ringo a écrit Don’t Pass Me By , le morceau le plus country des Beatles. Il chante d’une voix impeccable (merci la technologie ?) tous les morceaux de ce Look Up , accompagné de voix féminines, dont Molly Tuttle, Alison Krauss et les sœurs de Larkin Poe. De la guitare slide au violon en passant par les harmonies vocales, les canons du genre sont respectés. À l’arrivée, ce disque rappelle Beaucoups of Blue s (1970), considéré comme son meilleur en solo. Il dégage surtout un optimisme et une sincérité qui font presque oublier son côté anecdotique. (Philippe Mathé)
Look Up, Polydor/Universal, 11 titres, 36 min
La révélation : Karen Lano
Chanson/Folk. Ils ne sont pas si nombreux les artistes capables de vous projeter dans un ailleurs. C’est la sensation produite par le troisième album de Karen Lano, épaulée de son complice musicien, compositeur et arrangeur, Olivier Legall. On la placerait ainsi volontiers du côté des descendantes des troubadours, accompagnée d’une guitare acoustique, de cordes, flûtes, cuivres, percussions… jouant des mélodies qui semblent tourner en boucle alors que sa voix légère égrène diverses sensations. Karen Lano chante la femme seule et défaite, celle qui félicite son cœur d’avoir, après une longue route, trouvé « l’âge d’or »… Elle chante la guérison et la renaissance, la volatilité des jours heureux. Elle chante la femme-nature et la femme-louve avec un message précis : « Ma sœur as-tu vu/dans le miroir/Tes dents ivoire/Tes bas velus/Tu sembles voler/au gré des vents/Tout en chantant/Ta liberté… » Et termine ce voyage intérieur et enchanteur par un hommage à son « île au bout du monde », au milieu d’un bois, dans l’Eure. (Michel Troadec)
L’âge d’or, Le chant des muses, 10 titres, 38 min.
La découverte : Lambrini Girls
Rock. On les avait vues au printemps 2023 et on était dubitatif. On les avait revues en février 2024 et on était convaincu. Les Lambrini Girls, ces deux pétroleuses queer de Brighton assistées sur scène par une batteuse, jouent du punk rock mélangeant rage et joie, comme le professent les Idles. Elles sont braques et drôles, et dézinguent à grands doses d’énergie foutraque tout ce qui les débecte dans la société britannique, avec un focus sur le paternalisme et la « lad culture ». Le parler-chanter énergisant de Phoebe Lunny rappelle souvent celui d’Amy Taylor, mais leur style est plus basique que celui d’Amyl and the Sniffers. Ce n’est pas gênant quand la chanson a une bonne accroche et ne vous lâche pas, et elles ont clairement revu le contrôle de qualité à la hausse. Pour ce premier album, elles affichent un son moins brouillon grâce à la production de Daniel Fox. Pas une pause, pas de répit dans ce sprint, sauf pour l’ultime morceau Cuntology 101, avec petits synthés, chœurs et rythme moins pogotant. (Philippe Richard)
Who Let the Dogs Out, City Slang, 11 titres, 29 min.
Les reprises : Al-Qasar
Electro-rock oriental. Liban, Égypte, Maroc, Algérie, France, États-Unis… Le collectif Al-Qasar a des allures de tour de Babel. Thomas Attar Bellier, chanteur, guitariste franco-américain a décidé il y a presque dix ans du côté de Barbès de brasser les styles, du folk arabe au hip-hop, avec des guitares psychédéliques qui défient le oud et le saz, une douce électro de sable chaud venue du désert. Un collectif bien rodé sur les festivals. Après un remarqué premier album, voici un second opus composé en partie de reprises. Il démarre avec Kişisel Isa, ou le tube de Depeche Mode, Personal Jesus, repris en turc avec un gros son. Le suisse-marocain Sami Galbi reprend à la sauce orientale Get Busy de Sean Paul. Desse Barama, hymne anti-guerre de l’Égyptien nubien Hamza El Din est magnifié par Alsarah, chanteuse américano-soudanaise. Parmi d’autres pépites, il y a aussi Promises sur lequel la Malienne Mamani Keita tance en bambara les politiciens véreux. Avec Al-Qasar, les musiques de deux mondes ne s’opposent pas mais se complètent. (Jean-Marc Pinson)
Uncovered, WeWantSounds, 8 titres, 33 min.