LE MONDE 🔵 Yann Potin, historien : « Avec Marc Bloch, on honore Ă  la fois un juif, un rĂ©sistant et la rĂ©conciliation franco-allemande » – Shango Media
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LE MONDE 🔵 Yann Potin, historien : « Avec Marc Bloch, on honore à la fois un juif, un résistant et la réconciliation franco-allemande »

L’historien français Marc Bloch dans les années 1920-1930.

Yann Potin est historien, conservateur en chef aux Archives nationales, où sont préservées les archives des historiens fondateurs de l’école des Annales, Lucien Febvre (1878-1956) et Marc Bloch (1886-1944), en particulier leur riche correspondance, éditée en trois tomes (Fayard 1994-2004). Il a codirigé, avec Jean-François Sirinelli, Générations historiennes (CNRS Editions, 2019), et prépare, avec Florian Mazel pour Seuil, un ouvrage collectif sur l’actualité de la pensée et l’héritage intellectuel de Marc Bloch.

Emmanuel Macron vient d’annoncer l’entrĂ©e au PanthĂ©on de l’historien Marc Bloch, grand tĂ©moin de la dĂ©bâcle de 1940 et l’un des organisateurs de la RĂ©sistance dans la rĂ©gion lyonnaise, avant d’être fusillĂ© par les nazis. Après Missak Manouchian, c’est la RĂ©sistance qui est Ă  nouveau honorĂ©e ?

Bien sĂ»r. Et, en premier lieu, le martyre de Marc Bloch, fusillĂ© par les nazis le 16 juin 1944. Il entre au PanthĂ©on après Jean Moulin, en 1964, puis Pierre Brossolette, Germaine Tillion, Geneviève de Gaulle-Anthonioz et Jean Zay en 2015… Alors que les derniers acteurs et tĂ©moins de la seconde guerre mondiale, de la RĂ©sistance et de l’Occupation disparaissent, c’est autant la RĂ©sistance effective – Marc Bloch voulait jusqu’au bout combattre les armes Ă  la main – que la RĂ©sistance intellectuelle qui est consacrĂ©e, comme, avant, avec Germaine Tillion.

Bloch n’est pas seulement un intellectuel rĂ©sistant, il est aussi un « fou de la RĂ©publique Â», comme dit Pierre Birnbaum…

Oui. Normalien, fils de normalien, l’itinĂ©raire de Marc Bloch raconte aussi la volontĂ© et le dĂ©sir, depuis la RĂ©volution française, d’intĂ©gration des juifs Ă  une nation considĂ©rĂ©e comme patrie universelle. C’est fondamental. L’adhĂ©sion Ă  la RĂ©publique commande en lui le rejet de tout autre sentiment d’appartenance – hormis face Ă  la haine : « Je ne revendique jamais mon origine que dans un cas : en face d’un antisĂ©mite Â», disait Bloch.

Autant que la RĂ©sistance, c’est Ă  vos yeux le martyre juif qui est panthĂ©onisĂ© ?

Jacques Chirac, après la reconnaissance, en 1995, de la responsabilitĂ© de l’Etat français dans la rafle du VĂ©l’d’Hiv, choisit, en 2007, par l’apposition d’une plaque, d’honorer la mĂ©moire des Justes au sein du PanthĂ©on. Demeurait la question de l’absence de tout juif, victime « de Â» ou mort « pour Â» la France, dans le sanctuaire de la mĂ©moire rĂ©publicaine. Jean Zay fut le premier juif assassinĂ© Ă  y entrer. Marc Bloch, lui, a Ă©tĂ© fusillĂ©, non par la milice française, mais par la Gestapo. Avec le sacrifice de l’historien, c’est donc aussi une victime de la persĂ©cution des juifs par les nazis qui fait son entrĂ©e dans la mĂ©moire nationale officielle, Ă  la suite de Simone Veil, survivante d’Auschwitz.

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