LE MONDE 🔵 Les cours criminelles départementales au cœur de deux questions prioritaires de constitutionnalité

Les opposants à l’instauration des cours criminelles départementales (CCD) ne désarment pas et choisissent le terrain du droit pour contre-attaquer. La Cour de cassation examinera, mercredi 20 septembre, deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) qui soulèvent des arguments similaires concernant les CCD. L’une a été soulevée par Mes Antoine Ory et Maïa Kantor et sera plaidée par Me David Gaschignard. L’autre a été amenée par Me Jean-François Barre et sera soutenue par Me Hélène Farge. La plus haute juridiction de l’ordre judiciaire joue ici le rôle de filtre en décidant de la recevabilité ou non de la question posée avant de la transmettre, éventuellement, au Conseil constitutionnel.
Encore peu connues du grand public, les CCD sont des juridictions d’un nouveau genre. Elles ont été généralisées le 1er janvier, après une phase d’expérimentation de trois ans dans quinze départements. Elles se différencient des cours d’assises par l’absence de jury populaire : elles sont composées de cinq magistrats professionnels, quand les assises en comptent trois, plus les six jurés tirés au sort. Les CCD sont compétentes pour juger les crimes punis de quinze ou vingt ans de prison, soit essentiellement des viols.
Pour ses détracteurs, cette nouveauté, qui vise notamment à désengorger les assises et à rendre des décisions plus rapidement, contrevient à de nombreux principes de droit. Ce sont ces derniers que Benjamin Fiorini, maître de conférences en droit privé et sciences criminelles à l’université Paris-VIII et l’un des opposants les plus actifs aux CCD, a relevés dans un article de doctrine au début de l’été. De leur côté, les avocats ont travaillé dans le même sens, complétant le travail de M. Fiorini. C’est sur cette base argumentaire qu’ont été construites les QPC présentées à la Cour de cassation mercredi.
Ruptures d’égalité
Ainsi, Me Ory estime que les CCD méconnaissent l’obligation d’oralité des débats en matière criminelle. Pour l’avocat, cette garantie fondamentale des droits de la défense est « foulée aux pieds » par les nouvelles dispositions. « C’est une garantie essentielle pour l’accusé, qui est intégralement en mesure de se défendre sur ce qui est évoqué oralement et contradictoirement à l’audience. Aux assises, les jurés n’ont pas accès au dossier et la décision se fait à l’audience, explique l’avocat. Devant le tribunal correctionnel, ce n’est pas le cas. Les juges professionnels ont accès au dossier, on retrouve parfois des éléments qui n’ont pas été évoqués à l’audience. C’est ce qu’il risque de se passer devant la CCD. » Et d’appuyer son raisonnement en citant l’article 380-19 du code de procédure pénale, qui dispose que « la cour criminelle départementale délibère en étant en possession de l’entier dossier de la procédure ».
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