LE MONDE 🔵 Eric Ruf, l’homme qui a insufflĂ© un vent nouveau Ă  la ComĂ©die-Française – Shango Media
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LE MONDE 🔵 Eric Ruf, l’homme qui a insufflé un vent nouveau à la Comédie-Française

Marina Hands a arrêté de fumer. Elle a également cessé de boire de l’alcool et de manger du sucre. L’actrice met toute son énergie pour préparer un marathon. Mais la course dans laquelle elle s’apprête à se lancer est d’un genre particulier, elle durera plusieurs heures. Sept heures trente exactement, sur la scène de la salle Richelieu de la Comédie-Française, à Paris.

A partir du 21 dĂ©cembre, la 542e sociĂ©taire de l’institution sera Dona Prouhèze, l’hĂ©roĂŻne du Soulier de satin, monumentale pièce de Paul Claudel datant de 1929. Des onze heures prĂ©vues par le texte intĂ©gral, le metteur en scène Eric Ruf en a gardĂ© les deux tiers.

L’action, un amour impossible au temps des conquistadors, se dĂ©roule sur vingt ans et sur plusieurs continents. Les dialogues Ă©voquent la foi catholique et la recherche de l’absolu, la grandeur de l’art et le poids du pĂ©chĂ©. Ce sera dur. « Eprouvant, mĂŞme, prĂ©cise la comĂ©dienne. Il faut adorer le théâtre pour accepter une chose pareille. Â» Elle sourit : « C’est mon cas. Â»

Marina Hands, en costume de rĂ©pĂ©tition, Ă  la ComĂ©die-Française, le 30 octobre 2024.

Avec elle, ils seront une vingtaine, dĂ©butants comme vĂ©tĂ©rans, Ă  interprĂ©ter rois d’Espagne, grandes dames de la cour, suivantes, soldats et aventuriers… Tous vĂŞtus par le couturier Christian Lacroix, tous impressionnĂ©s par cette Ĺ“uvre tentaculaire et tous très fiers. Comme Birane Ba, 29 ans, dont la vocation est nĂ©e quand, collĂ©gien en sortie scolaire, il Ă©tait venu Ă  la ComĂ©die-Française. « Dans une vie d’acteur, on se dit qu’on ne jouera jamais Le Soulier de satin. LĂ , on atteint le Graal. Â»

Pièce mythique du répertoire

La pièce est si longue, si complexe Ă  mettre en scène, qu’elle a rarement Ă©tĂ© montĂ©e. Un bon mot circule Ă  son sujet, tantĂ´t attribuĂ© Ă  Jean Cocteau, tantĂ´t Ă  Sacha Guitry. Sortant d’une repré­sentation du Soulier de satin, l’un des deux aurait lancĂ© : « Heureusement qu’il n’y avait pas la paire. Â»

La première a eu lieu dans le Paris occupĂ©, en 1943 Ă  la ComĂ©die-Française, mise en scène par Jean-Louis Barrault, qui reprend la pièce quelques annĂ©es plus tard, Ă  l’OdĂ©on. En 1987, Antoine Vitez marque les esprits au Festival d’Avignon et Olivier Py propose sa version au Théâtre de la Ville, en 2003. La pièce est un mythe du théâtre hexagonal, la baleine blanche des metteurs en scène.

« Ecoutez bien, ne toussez pas et essayez de comprendre un peu. Â» Le soir du 21 dĂ©cembre, l’apostrophe de Claudel aux spectateurs lancera la course. En coulisses, Eric Ruf observera chaque dĂ©tail. L’administrateur gĂ©nĂ©ral de la ComĂ©die-Française depuis 2014 sait que ce Soulier marque une Ă©tape dans sa carrière.

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