LE MONDE 🔵 Dominique MĂ©da : « Nous avons l’obligation morale et politique de tirer les enseignements des catastrophes climatiques qui se succèdent » – Shango Media
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LE MONDE 🔵 Dominique Méda : « Nous avons l’obligation morale et politique de tirer les enseignements des catastrophes climatiques qui se succèdent »

Les spĂ©cialistes en neurologie cognitive nous ont appris que notre cerveau « fait l’autruche Â» et que nous faisons tout pour chasser de notre esprit les reprĂ©sentations d’évĂ©nements dramatiques passĂ©s ou Ă  venir. Nous sommes aidĂ©s dans cette fonction d’oubli par les mĂ©dias : par nature, ils font se succĂ©der les informations, les anciennes Ă©tant effacĂ©es Ă  mesure que de nouvelles surviennent, sans compter le rĂ´le des rĂ©seaux sociaux, du zapping, de la publicitĂ© ou des Ă©missions de divertissement, qui accentuent ce processus.

Et pourtant, nous avons l’obligation morale et politique de tirer les enseignements des catastrophes climatiques qui se succèdent dĂ©sormais Ă  une frĂ©quence de plus en plus Ă©levĂ©e. La dernière en date survenue en Europe, le dĂ©luge qui a Ă´tĂ© la vie Ă  plus de 200 personnes et a dĂ©truit la plus grande partie de l’économie de la rĂ©gion espagnole de Valence, devrait faire l’objet non seulement d’une enquĂŞte – prĂ©vue –, mais aussi d’une vĂ©ritable rĂ©flexion collective, en Espagne et ailleurs. La mode est au « retour d’expĂ©rience Â» : dans le cas de Valence, il s’impose. OrganisĂ© dans tous les pays et sous la forme de forums de rĂ©flexion incluant la participation des citoyens, il pourrait jouer un rĂ´le capital. Ces forums pourraient se saisir d’au moins trois Ă©lĂ©ments.

Le premier concerne le rĂ´le des services publics. On pourrait essayer de comprendre pourquoi les services d’urgences ont Ă©tĂ© supprimĂ©s par les autoritĂ©s rĂ©gionales, auxquelles cette compĂ©tence avait Ă©tĂ© transfĂ©rĂ©e. Il est aujourd’hui de bon ton de remettre en cause le poids insupportable des impĂ´ts et des dĂ©penses publiques, et de souligner l’inutilitĂ© ou la boursouflure des services publics, mĂŞme quand ils sont chargĂ©s de la gestion de la forĂŞt, de la biodiversitĂ©, de la mĂ©tĂ©orologie… Il est aussi Ă  la mode d’avoir « la haine des fonctionnaires Â», comme le livre du mĂŞme nom de Julie Gervais, Claire Lemercier et Willy Pelletier le met en Ă©vidence (Amsterdam, 260 pages, 18 euros). Et pourtant, le rĂ´le de la puissance publique est essentiel pour prĂ©venir et prendre en charge, en dernier ressort, les catastrophes, ce dont les assurances sont incapables. Nous avons besoin de services publics forts, prĂ©sents partout sur les territoires : les forums pourraient permettre de renforcer le consentement Ă  l’impĂ´t.

Pertes « inestimables Â»

Cela nous amène au deuxième Ă©lĂ©ment qui mĂ©rite rĂ©flexion. Le prĂ©sident de la rĂ©gion autonome de Valence a demandĂ© au gouvernement 31 milliards d’euros d’aides : l’équivalent du produit intĂ©rieur brut annuel rĂ©gional ! Une somme non seulement colossale mais qui, de surcroĂ®t, ne parviendra jamais Ă  compenser des pertes humaines et Ă©conomiques « inestimables Â». Une somme dont l’énormitĂ© permet de comprendre le caractère irrĂ©aliste de la plupart des prĂ©visions des Ă©conomistes. Ces forums pourraient ĂŞtre l’occasion de rĂ©examiner celles-ci et de rĂ©flĂ©chir Ă  la façon dont elles ont alimentĂ© l’optimisme bĂ©at des gouvernements, des responsables politiques et des citoyens.

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