LE MONDE 🔵 Deux Canadiens emprisonnés durant trois ans en Chine règlent leurs comptes
Pendant près de trois ans, la durée de leur détention en Chine, Michael Spavor et Michael Kovrig étaient indissociables aux yeux du Canada. Communément appelés « les deux Michael » par la presse, ils étaient, pour le gouvernement de Justin Trudeau, deux citoyens canadiens « injustement » accusés d’« espionnage » par Pékin, victimes de représailles chinoises après l’arrestation par la police canadienne de Meng Wanzhou, la directrice financière de Huawei et fille du fondateur du groupe de télécoms chinois, à Vancouver en décembre 2018 à la demande de la justice américaine. L’affaire avait provoqué une crise diplomatique sans précédent entre la Chine et le Canada, avant qu’un accord judiciaire conclu à Washington le 24 septembre 2021 permette à Mme Meng de rentrer chez elle, et aux deux hommes de recouvrer le même jour leur liberté.
Indissociable hier, le duo se déchire aujourd’hui et se transforme en « Michael contre Michael » : l’un rend l’autre responsable de son arrestation et apporte au détour du crédit aux allégations d’« espionnage » de Pékin.
Dans son édition du 18 novembre, le quotidien anglophone The Globe and Mail a révélé que le consultant et ancien homme d’affaires Michael Spavor accusait Michael Kovrig d’avoir transmis à son insu aux autorités canadiennes des informations sur le régime nord-coréen. Parlant couramment le coréen, Michael Spavor était, en effet, l’un des rares Occidentaux à avoir rencontré le dirigeant nord-coréen, Kim Jong-un ; c’est également lui qui avait aidé à organiser les visites de l’ancienne star du basket-ball Dennis Rodman à Pyongyang, au cours desquelles le joueur a noué une amitié avec le dictateur.
« Pas un espion »
C’est au cours de conversations avec M. Spavor que Michael Kovrig, qui travaillait alors au sein de l’ambassade du Canada à Pékin, comme diplomate au programme d’établissement de rapports sur la sécurité mondiale, aurait glané ces informations. Transmises au gouvernement canadien, puis diffusées aux services de l’alliance dite des « Five Eyes », une communauté de partage de renseignements regroupant, outre le Canada, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie et le Nouvelle-Zélande, ces informations auraient valu à Michael Spavor d’être reconnu coupable d’« espionnage pour le compte d’une entité étrangère et d’obtention illégale de secrets d’Etat » et condamné à onze ans de prison en août 2021. Egalement emprisonné pour « espionnage », Michael Kovrig n’avait pas été jugé avant sa libération.
The Globe and Mail révèle que M. Spavor s’est adjoint les services d’un grand avocat torontois afin de réclamer à Ottawa « plusieurs millions de dollars » de dédommagement pour sa détention longue de mille vingt jours.
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