LE MONDE 🔵 Au Centre d’éthique clinique de l’AP-HP, des questions médicales délicates et des réponses collectives

C’est une pièce sans charme nichée sous les combles de l’hôpital Cochin, à Paris. Pour la rejoindre, il faut passer le hall des admissions, longer un couloir, ouvrir une porte, monter au premier étage, passer une autre porte et grimper jusqu’au troisième étage. Ici, chaque jeudi soir, de 18 heures à 20 heures, une trentaine de personnes se réunissent en équipe. La raison ? Analyser et débattre d’un cas médical concret posant une question sur le plan éthique. Bienvenue au Centre d’éthique clinique (CEC) de l’AP-HP (Assistance publique-Hôpitaux de Paris). Exceptionnellement, l’équipe a accepté de nous ouvrir ses portes.
Créée dans le prolongement de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des patients (dite « loi Kouchner ») par Véronique Fournier, médecin de santé publique et cardiologue, cette structure, qu’elle a dirigée jusqu’en 2020, a pour mission d’accompagner des décisions médicales difficiles sur le plan éthique. Comment débloquer une situation lors d’un conflit ? Que dire à un patient qui ne veut pas être opéré ou à des parents qui refusent que leur enfant soit transfusé ? A une équipe soignante désireuse d’arrêter les traitements quand la famille s’y oppose – ou le contraire ? A une personne handicapée qui souhaite mourir ? En d’autres termes, comment répondre à la demande des uns quand d’autres la contestent ?
Le concept d’éthique clinique est né dans les années 1970 aux Etats-Unis. Un médecin américain, Mark Ziegler, en est l’un de ses concepteurs. Selon lui, « savoir débattre d’une question d’éthique clinique fait autant partie des règles de la bonne médecine que de savoir prescrire le bon médicament ». Saisi par les soignants, la famille, voire par le patient lui-même, le Centre ne rend que des avis consultatifs. Pas question de se substituer à l’équipe soignante. Son rôle est d’aider les parties prenantes à déverrouiller les points de blocage et à élargir la réflexion afin d’identifier le meilleur pour le patient.
« Primum non nocere »
Pour ce faire, l’équipe s’appuie sur les quatre principes fondateurs de l’éthique biomédicale décrits par les philosophes James Childress et Tom Beauchamp dans leur livre Les Principes de l’éthique médicale (Les Belles Lettres, 2008 ; publié dans sa version originale en 1979), ouvrage majeur de l’éthique médicale contemporaine : la bienfaisance (améliorer la santé du patient), la non-malfaisance (au minimum, ne pas nuire – « primum non nocere », disait Hippocrate), la justice et enfin le respect de l’autonomie du patient.
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