LE FIGARO 🔵 Saint-Omer : «Après des dĂ©cennies d’insultes contre l’Eglise, comment s’Ă©tonner de passages Ă  l’acte ?» – Shango Media
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LE FIGARO 🔵 Saint-Omer : «Après des dĂ©cennies d’insultes contre l’Eglise, comment s’Ă©tonner de passages Ă  l’acte ?»

FIGAROVOX/ENTRETIEN – Pour le journaliste Marc Eynaud, auteur du livre Qui en veut aux catholiques?, l’incendie qui a ravagĂ© l’église de Saint-Omer dans la nuit de dimanche Ă  lundi est symptomatique d’une haine Ă  l’égard des chrĂ©tiens dans notre pays.

Marc Eynaud est journaliste chez Valeurs Actuelles et chroniqueur pour la chaîne CNEWS. Il est l’auteur de Qui en veut aux catholiques? Incendies. Profanations. Ces faits qu’on ne veut pas voir (Éditions Artège, 2022) et Sa vie pour la mienne (Éditions Artège, 2024).

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LE FIGARO. – Ce lundi, l’Ă©glise de Saint-Omer a vu sa toiture et son clocher intĂ©gralement dĂ©truits par un incendie criminel dĂ©clarĂ© plus tĂ´t dans la nuit. Le procureur envisage Ă  ce stade une qualification criminelle des faits, pour «destruction de biens par moyen dangereux en raison de la religion» . Ce type d’acte est-il isolĂ© ? 

Marc EYNAUD. – Absolument pas. Le profil du suspect principal est d’ailleurs extrĂŞmement rĂ©vĂ©lateur, puisqu’il s’agit de son quinzième fait dĂ©lictuel. Son lourd passif de pyromane visant spĂ©cialement les Ă©glises rend le qualificatif «destruction en raison de la religion» assez Ă©vident. Chaque annĂ©e, des dizaines d’Ă©glises sont dĂ©truites ou incendiĂ©es. On pourrait supposer une cause gĂ©nĂ©ralement accidentelle, mais les chiffres dĂ©mentent largement cette hypothèse. Le laboratoire Lavoue, spĂ©cialisĂ© dans la gestion de sinistre, a traitĂ© 35 faits de ce type : dans 71% des cas, il s’agissait de faits criminels. Non seulement ces faits sont nombreux, mais en plus se multiplient.

Dans votre ouvrage Qui en veut aux catholiques? , vous expliquiez que si les actes antichrĂ©tiens «ne signifient rien pris isolĂ©ment» , ils «mettent en lumière un combat d’une violence inouĂŻe» lorsqu’on les assemble. Combien d’Ă©vènements similaires ont lieu en France chaque annĂ©e ? Quelles en sont les causes profondes ?

Il faut raisonner de la mĂŞme façon que l’on analyse les faits divers liĂ©s Ă  l’insĂ©curitĂ© : lorsqu’on les prend isolĂ©ment, effectivement, ce sont des faits divers. Mais quand on les examine ensemble, on s’aperçoit qu’il s’agit d’un phĂ©nomène de sociĂ©tĂ© assez global. En 2023, 27 Ă©glises ont Ă©tĂ© incendiĂ©es selon l’Observatoire du patrimoine religieux ; depuis le dĂ©but de l’annĂ©e 2024, 12 ont dĂ©jĂ  Ă©tĂ© recensĂ©s.

Plusieurs facteurs sont Ă  l’origine de ce phĂ©nomène. Premièrement, les Ă©glises sont les lieux de culte les plus nombreux en France : on dĂ©nombre environ 50.000 Ă©difices, ce qui est considĂ©rable. Ă€ cela s’ajoute une dĂ©christianisation notable, caractĂ©risĂ©e par une baisse significative de la pratique religieuse. CorrĂ©lativement, la surveillance diminue dans certains lieux de culte relativement peu frĂ©quentĂ©s. Or, ils demeurent pour la plupart ouverts puisque le caractère propre d’une Ă©glise est d’ĂŞtre ouverte Ă  tous.


Si, pendant des annĂ©es, des critiques, des insultes voire des condamnations unanimes sont adressĂ©es contre une institution, comment s’Ă©tonner de ce qu’il y ait des passages Ă  l’acte ?

Marc Eynaud

Les attaques contre le catholicisme ne sont pas seulement matérielles…

En effet, si les deux premiers facteurs ne sont pas anodins, la rĂ©elle comprĂ©hension du problème tient Ă  la violente offensive antichrĂ©tienne qui sĂ©vit en France. Cette charge est avant tout culturelle : on ne compte plus les moqueries, les saillies, les actes de haine intellectuels vis-Ă -vis des catholiques. De mĂŞme, les guĂ©rillas judiciaires que mènent des associations comme La libre pensĂ©e ou la Ligue des droits de l’homme qui en prĂ©sence du moindre signe chrĂ©tien dans l’espace public envahissent les tribunaux administratifs pour mener une vĂ©ritable guerre contre les chrĂ©tiens.  

Ainsi, le phĂ©nomène de dĂ©christianisation massive tel qu’il n’avait jamais Ă©tĂ© vu depuis la RĂ©volution française explique non seulement que l’on s’Ă©loigne du fait religieux, mais surtout qu’on ne le connaisse plus. Et ce, doublĂ© Ă  une perte plus gĂ©nĂ©rale de repères. RĂ©mi Brague expliquait justement dans les colonnes du Figaro  qu’il n’y a plus rien Ă  profaner, faute de sacrĂ© capable de servir de cible. Force est de constater que les Ă©glises, dans l’imaginaire des gens, sont peut-ĂŞtre la dernière part de sacrĂ© subsistant en France. 

Vous citiez dans votre livre Charles PĂ©guy : «Il faut toujours dire ce que l’on voit. Surtout, il faut toujours, ce qui est plus difficile, voir ce que l’on voit », et dĂ©ploriez une absence d’indignation dans l’augmentation des profanations Ă  l’encontre des catholiques. Comment l’expliquer ? Avez-vous constatĂ© une Ă©volution ? 

Cela ne fait que s’aggraver au fur et Ă  mesure des annĂ©es. Prenons l’exemple du jeune influenceur qui s’Ă©tait filmĂ© il y a quelques annĂ©es en train de twerker dans une Ă©glise. Ce cas est rĂ©vĂ©lateur, puisqu’il s’est justifiĂ© de ce que l’Église serait homophobe, rĂ©actionnaire et propagerait la haine. Exemple Ă©loquent de gĂ©nĂ©rations biberonnĂ©es aux idĂ©es anticlĂ©ricales pendant des annĂ©es, n’ayant plus aucun recul et pour qui twerker dans une Ă©glise est devenu normal. 

Un tel discours antagoniste Ă  l’Ă©gard du christianisme et, plus largement de la philosophie chrĂ©tienne ne pouvait qu’encourager ces actes, sinon les lĂ©gitimer. Le procĂ©dĂ© rappelle celui de La France Insoumise, qui affirme que le Hamas n’est pas une organisation terroriste et lĂ©gitime parfois son attitude face Ă  IsraĂ«l. Indirectement, cette communication peut inciter Ă  cautionner des actes antisĂ©mites commis au nom de la cause palestinienne.

La logique est Ă©quivalente pour ce qui relève des actes antichrĂ©tiens : si, pendant des annĂ©es, des critiques, des insultes voire des condamnations unanimes sont adressĂ©es contre une institution, comment s’Ă©tonner de ce qu’il y ait des passages Ă  l’acte ? Quand des anarchistes d’extrĂŞme gauche taguent rĂ©gulièrement sur des Ă©glises des slogans tels que “La seule Ă©glise qui illumine est celle qui brĂ»le” ou encore “ni Dieu, ni maĂ®tre”, il est naturel que cela ait un pouvoir incitatif. On ne compte plus les calvaires tronçonnĂ©s, les Ă©glises saccagĂ©es, les statues dĂ©capitĂ©es, rĂ©sultante logique d’un climat ambiant hostile.

Et chez les catholiques eux-mĂŞmes ?

Il y a un problème gĂ©nĂ©rationnel chez les catholiques. L’ancienne gĂ©nĂ©ration, et a fortiori les Ă©vĂŞques actuels, a connu le pays Ă  majoritĂ© catholique, et se considère encore comme prĂ©dominante parmi le spectre des religions. D’après eux, l’Église n’a pas Ă  se percevoir comme une minoritĂ© persĂ©cutĂ©e ayant des revendications. 

Ă€ l’inverse, la jeune gĂ©nĂ©ration est bien plus vindicative car elle est nĂ©e catholique dans un pays oĂą cette religion Ă©tait devenue minoritaire. Le clergĂ© se comporte encore comme si le catholicisme Ă©tait majoritaire, et ne voit pas l’intĂ©rĂŞt de protester face Ă  ces actes. Certains disent qu’il ne faut pas faire de vague, car si l’on commence Ă  en parler, cela risque de donner des idĂ©es Ă  l’autre et mettre de l’huile sur le feu. En cela, le clergĂ© fait preuve d’une sorte de prudence attentiste. 

Plusieurs prĂŞtres m’ont racontĂ© qu’ils s’Ă©taient fait reprendre vigoureusement par des gendarmes lors de faits dĂ©lictueux dans leur Ă©glise parce qu’ils ne souhaitaient pas porter plainte. La suite logique, la rĂ©cidive. Et ce, parce que pendant des annĂ©es, on a pu ĂŞtre tentĂ© de prendre le problème du mauvais cĂ´tĂ©, laissant une gĂ©nĂ©ration qui craint son ombre taire son identitĂ© et refuser la dĂ©fense.

Pendant longtemps, une forme d’interdit moral semblait protĂ©ger tacitement les lieux de culte. Comment expliquer qu’il semble avoir disparu ? Qu’est-ce que cela dit de la place du christianisme en France ?

Il y a deux ou trois gĂ©nĂ©rations, si vous demandiez Ă  un anticlĂ©rical de rĂ©citer son «Je vous salue Marie» ou son «Notre Père», il pouvait rĂ©citer ces prières encore par cĹ“ur. 

En dĂ©pit d’un fond d’anticlĂ©ricalisme, les gens connaissaient le catholicisme Ă  l’Ă©poque de nos grands-parents. L’immense majoritĂ© d’entre eux Ă©taient baptisĂ©s Ă  la naissance et baignaient dans un environnement plutĂ´t chrĂ©tien. DĂ©sormais, des gĂ©nĂ©rations entières n’ont jamais Ă©tĂ© sensibilisĂ©es au christianisme ni cĂ´toyĂ© de catholiques. Sans cette connaissance, il est normal qu’aujourd’hui, entrer dans une Ă©glise et en profaner le tabernacle ait perdu de sa gravitĂ©.

La nouvelle gĂ©nĂ©ration n’a plus d’affinitĂ© avec le sacrĂ©. Cela s’explique par 20 ans de pensĂ©e politique antichrĂ©tienne, qui tient la moquerie du christianisme pour quelque chose de commun devenu un rĂ©flexe atavique. 

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