LE FIGARO 🔵 «Il n’était pas vraiment Le Pen lorsqu’il venait ici» : Jean-Marie Le Pen inhumé à La Trinité-sur-Mer, son port d’attache
REPORTAGE- Le fondateur du Front National repose désormais dans son village natal de Bretagne. Il aimait venir s’y reposer, loin de la politique parisienne.
C’est dans l’église où il fut enfant de chœur qu’ont été célébrées les obsèques de Jean-Marie Le Pen samedi après-midi, à La Trinité-sur-Mer (Morbihan). Un lieu symbolique pour le Breton, puisque c’est sa ville natale. Il y a deux ans, il avait assisté dans ce même édifice à l’enterrement de l’un de ses très bons amis. À l’été 2023, il s’y était déplacé une dernière fois pour le mariage de sa petite-fille. Depuis, son état de santé ne lui avait plus permis de revenir dans la commune de 1800 habitants, prisée des Parisiens, devenue son refuge en période estivale.
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«Ce n’est pas étonnant que la messe soit ici. Cela va être fait avec humanité», confie Alexandra, fleuriste à La Trinité-sur-Mer, peu avant la cérémonie. En cette journée anormalement agitée pour un mois de janvier, la voici en train de transporter les dernières compositions florales, commandées par des députés ou des partisans. En quatre jours, elle en a réalisé environ 80, soit l’équivalent d’un mois de travail. «Jean-Marie Le Pen venait chercher ses fleurs ici pour fleurir la tombe de ses parents», raconte la professionnelle. Il en commandait aussi pour les réceptions qu’il organisait dans le coin. «C’étaient des gens comme vous et moi, lorsqu’ils venaient ici», dit-elle à propos de la famille du fondateur du FN.
Un bon marin
«Il n’était pas vraiment Le Pen lorsqu’il venait ici. C’était Jean-Marie», confie l’un de ses anciens conseillers. «C’était Jean-Marie, pas l’animal politique», abonde un autre de ses compagnons de route du premier cercle, à La Trinité. «Quand on faisait des dîners, il ne parlait jamais politique. Il savait raconter des histoires extraordinaires trinitaines», raconte ce photographe.
Vrai Breton, l’homme politique controversé avait le pied marin et aimait naviguer, selon ceux qui l’ont côtoyé localement. «Il aimait se ressourcer et prendre un bol d’air breton loin du tumulte parisien», témoigne Frank, un ami de la famille qui fréquenta Jean-Marie Le Pen à Carnac, le village voisin où le frontiste avait aussi ses adresses. C’est en 1983 qu’il rencontra celui qu’il décrit comme «un livre d’histoire ouvert». Il s’était d’ailleurs engagé à ses côtés. «En 2002, il m’appelait pour savoir nos affiches électorales étaient déchirées. Si c’était le cas, il disait que c’était un bon signal pour le résultat».
C’est le Trinitain de cœur que la commune accueille aujourd’hui dans sa dernière demeure
Yves Normand, maire de La Trinité-sur-Mer
«On le respectait»
La Trinité-sur-Mer n’a toutefois jamais été un fief électoral du RN. «On adhère ou pas à ses idées mais on le respectait tous car c’était un Trinitain», observe Stéphane, gérant du «bar-tab» de la commune. «Il arrivait en période estivale et se garait sur le pont pour boire un apéritif avec ses copains», raconte le patron. À l’image d’Alain Souchon, autre célébrité du village, «il n’y a pas de groupies ou d’attroupement lorsqu’il venait», partage un commerçant du port, habitué à le servir en toute simplicité.
«Loin de sa notoriété nationale, il aimait profiter ici de sa maison avec ses amis et sa famille, dans l’intimité et la discrétion. C’est le Trinitain de cœur que la commune accueille aujourd’hui dans sa dernière demeure», a réagi dans un bref communiqué Yves Normand, maire de La Trinité-sur-Mer, absent de la messe d’enterrement. «C’était un personnage critiqué mais qui avait des qualités humaines, reconnaît Jean-Michel Carpentier, dont la maison est mitoyenne à celle de la famille Le Pen. On avait des bons termes de voisinage». Trinitain depuis 50 ans, il nuance l’information selon laquelle l’ancien député européen mort à 96 ans ne faisait pas de politique ici : «Pendant quatre à cinq ans, il organisait des colloques à La Trinité». Il y eut aussi un grand raout en 1986 lorsque 35 députés furent élus à la proportionnelle.
La longère de cinq chambres aux volets bleus qui vit naître Jean-Marie Le Pen se situe dans une ruelle au nom breton. «Quand on était mômes, ce n’était pas très confortable» se remémore le Trinitain Florent de Kersauson, conseiller régional RN de Bretagne. «J’ai toujours vu Jean à La Trinité. J’ai l’impression que lorsqu’il venait, c’était une maison de passage. Les copains venaient boire des coups». Dans les années 1990, elle fut régulièrement taguée.
En ce jour d’enterrement, la sĂ©curitĂ© est renforcĂ©e autour de ce lieu symbolique encore frĂ©quentĂ©. DĂ©sormais, les filles et petits-enfants du tribun continuent d’y sĂ©journer en vacances tour Ă tour. La TrinitĂ©-sur-Mer est le fief familial oĂą, Ă cĂ´tĂ© de ses parents, Jean-Marie Le Pen a souhaitĂ© ĂŞtre enterrĂ©, après 96 annĂ©es d’existence. «Ma vie – Qu’il est long le chemin», chantait Alain Barrière, autre personnalitĂ© Ă cĂ´tĂ© de qui il repose dĂ©sormais.