FRANCE INFO 🔵 RECIT. « Du Barnier pur jus » : Ă  l’AssemblĂ©e nationale, le Premier ministre tente « le grand Ă©cart » pour ne « brusquer » personne lors de sa dĂ©claration de politique gĂ©nĂ©rale – Shango Media
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FRANCE INFO 🔵 RECIT. « Du Barnier pur jus » : Ă  l’AssemblĂ©e nationale, le Premier ministre tente « le grand Ă©cart » pour ne « brusquer » personne lors de sa dĂ©claration de politique gĂ©nĂ©rale

Michel Barnier a présenté mardi après-midi sa feuille de route devant les députés, en tentant de donner des gages aux oppositions sur certains points.

« C’est le meilleur moment ! » , raille un dĂ©putĂ© du Rassemblement national. Il est 16h20, mardi 1er octobre, et Michel Barnier vient d’annoncer Ă  la reprĂ©sentation nationale que sa dĂ©claration de politique gĂ©nĂ©rale touche Ă  sa fin. Le Premier ministre a promis de dĂ©livrer son discours pendant une heure Ă  la tribune de l’AssemblĂ©e nationale. Il est finalement restĂ© un peu plus longtemps, Ă  l’image de ce qu’avaient fait ses deux prĂ©dĂ©cesseurs, Gabriel Attal et Elisabeth Borne.

Durant une heure et 22 minutes, Michel Barnier a prĂ©sentĂ© son programme lĂ©gislatif, en dĂ©taillant les chantiers qu’il compte entreprendre depuis Matignon. Impassible face aux invectives des dĂ©putĂ©s de La France inspoumise, le Premier ministre s’est livrĂ© Ă  cet exercice imposĂ© sans se dĂ©partir d’un certain flegme, lui qui a Ă©tĂ© le nĂ©gociateur en chef du Brexit. «  Il s’est beaucoup prĂ©parĂ© Ă  ça, auprès de ceux qui ont connu l’AssemblĂ©e depuis 2022″ , confiait un ministre, croisĂ© au Palais-Bourbon plus tĂ´t dans la journĂ©e. La chambre basse, devenue un vĂ©ritable chaudron dans le contexte de majoritĂ© relative depuis deux ans, n’est pas inconnue Ă  Michel Barnier : il a Ă©tĂ© dĂ©putĂ© et ministre Ă  de multiples reprises. Mais c’Ă©tait le temps des majoritĂ©s absolues.

Durant son discours, l’ancien commissaire europĂ©en a listĂ© ses cinq prioritĂ©s Ă  la tĂŞte du gouvernement : le niveau de vie des Français, les services publics, la sĂ©curitĂ© au quotidien, la maĂ®trise de l’immigration et davantage de fraternitĂ© dans un pays qui s’est divisĂ© en trois grands blocs lors des dernières Ă©lections lĂ©gislatives. Dans l’hĂ©micyle, l‘accueil est d’abord très silencieux. Le Savoyard monte Ă  la tribune sans aucun applaudissement pour l’accompagner, comme si aucun des 11 groupes politiques n’osait le soutenir ouvertement. Le contexte, aussi, est lourd : en ouverture de la sĂ©ance, les dĂ©putĂ©s ont rendu hommage, lors d’une minute de silence, Ă  Philippine, l’Ă©tudiante de 19 ans violĂ©e et tuĂ©e au bois de Boulogne le week-end du 20 septembre. Il est 15 heures, le Premier ministre prend la parole. 

« J’ai conscience de la gravitĂ© et de l’importance de ce moment pour notre action commune et pour les Français qui nous regardent et qui nous Ă©coutent. »

Michel Barnier, Premier ministre

lors de sa déclaration de politique générale

Deux minutes plus tard, les dĂ©putĂ©s de La France insoumise sortent leur carte d’Ă©lecteur pour dĂ©noncer l’illĂ©gitimitĂ© du nouveau gouvernement. « Ça fait quatre mois que les insoumis n’ont pas Ă©tĂ© dans le chaudron, ça va ĂŞtre le boxon », pronostiquait un dĂ©putĂ© Les RĂ©publicains, il y a quelques jours. Mais le reste des groupes de gauche n’embraye pas et les huissiers interviennent promptement pour faire cesser le coup d’Ă©clat. Le Premier ministre poursuit son exposĂ©, sans relever.

Les élus de La France insoumise brandissent leur carte d'électeur à l'Assemblée nationale, à Paris, le 1er octobre 2024. (ALAIN JOCARD / AFP)

Progressivement, les invectives des Ă©lus de gauche radicale se tarissent et baissent d’intensitĂ©, dans un hĂ©micycle bercĂ© par le ton du chef du gouvernement. « Sur la forme, c’est un homme d’Etat face Ă  des insurgĂ©s rendus muets », savoure un dĂ©putĂ© LR proche de Michel Barnier. « Un discours de commissaire europĂ©en venu vendre un plan d’austĂ©ritĂ© imposĂ© par le coup de force de Macron et implorer la bienveillance de Le Pen », fustige l’Ă©lu LFI Matthias Tavel. Après un peu plus d’une heure de discours, Mathilde Panot laisse Ă©chapper un bâillement. « C’est Ă  l’image du bonhomme : lent et monocorde », glisse une dĂ©putĂ©e macroniste. « L’exercice n’est pas simple, mais sur la forme comme sur le fond : un filet d’eau tiède », appuie un autre dĂ©putĂ© du bloc central.

Michel Barnier s’est pourtant Ă©vertuĂ© Ă  dĂ©fendre une mĂ©thode faite d’« écoute » et de « dialogue » , deux mots rĂ©pĂ©tĂ©s une dizaine de fois chacun mardi après-midi. Une remise en cause du macronisme ? Mis de cĂ´tĂ© lors de la prĂ©cĂ©dente rĂ©forme des retraites, les partenaires sociaux devront « rĂ©flĂ©chir Ă  des amĂ©nagements, raisonnables et justes, de la loi » de 2023. Alors que le gouvernement s’Ă©tait emparĂ© de la dernière rĂ©forme de l’assurance-chĂ´mage, les partenaires sociaux reprennent lĂ  aussi la main. « Il y a plus d’utilisation des corps intermĂ©diaires que ne le faisait la macronie » , vante le dĂ©putĂ© LR Yannick Neuder.

Face Ă  la verticalitĂ© souvent reprochĂ©e au macronisme, Michel Barnier vante la culture du compromis, louĂ©e par Elisabeth Borne avant lui. « Le mot ‘compromis’ n’est pas un gros mot. On ne se compromet pas quand on fait un compromis », met-il en garde les dĂ©putĂ©s de cette AssemblĂ©e plus morcelĂ©e que jamais. Cependant, le Premier ministre n’entreprend aucune rupture majeure avec la politique menĂ©e depuis 2017. « Il y a beaucoup de reprises de ce que nous avons fait ou de ce sur quoi nous travaillions », se fĂ©licite l’ancien ministre Franck Riester. Sauf, point important, sur la question fiscale. Michel Barnier entend « demander une contribution exceptionnelle aux Français les plus fortunĂ©s » ainsi qu’une « participation au redressement collectif aux grandes entreprises qui rĂ©alisent des profits importants ». Pour une partie du camp prĂ©sidentiel, ces pistes ne sont pas souhaitables.

« Je suis d’accord pour des corrections mais pas pour des augmentations en vue de crĂ©er un rendement nouveau. »

Franck Riester, député EPR et ancien ministre

Ă  franceinfo

« Je suis toujours très très sceptique sur les hausses d’impĂ´ts. Je pense que ça va endommager le pays » , confie une dĂ©putĂ©e Ensemble pour la RĂ©publique. « On aurait dit du Attal en moins bien dit, avec moins de leadership et avec des hausses d’impĂ´ts » , raille un ancien ministre. 

Tout au long de son discours, le Premier ministre a aussi tentĂ© de donner des gages aux autres groupes politiques. « L’avantage de n’avoir pas annoncĂ© grand-chose de concret, c’est que ça ne donne rien Ă  la gauche pour lui taper dessus » , s’amuse un dĂ©putĂ© LR. Comme elle l’avait annoncĂ©, la gauche va dĂ©poser en fin de semaine une motion de censure pour tenter de faire tomber le gouvernement. Mais une partie du Nouveau Front populaire a saluĂ© l’abandon du projet de loi constitutionnelle sur la rĂ©forme du corps Ă©lectoral en Nouvelle-CalĂ©donie, qui devait ĂŞtre soumis au Congrès. 

Du cĂ´tĂ© du Rassemblement national, les Ă©lus saluent la rĂ©flexion entamĂ©e Ă  propos de la proportionnelle aux Ă©lections lĂ©gislatives et la fermetĂ© affichĂ©e en matière d’immigration. Les propositions de Bruno Retailleau, ministre de l’IntĂ©rieur, « ne sont pas sans me rappeler un certain programme prĂ©sidentiel », sourit Marine Le Pen, Ă  la tribune. La patronne des dĂ©putĂ©s RN exclut, pour le moment, de censurer le gouvernement Barnier, alors qu’elle et d’autres cadres du parti d’extrĂŞme droite sont jugĂ©s depuis lundi au procès des assistants parlementaires du FN.

Qui le Premier ministre a-t-il vraiment déçu avec son long discours ? « Chacun y retrouve ses petits et personne n’est brusquĂ©. (…) Il tente le grand Ă©cart, ça crie, mais ça peut tenir » , philosophe un conseiller ministĂ©riel. « Sur le fond, c’Ă©tait du Barnier pur jus. Quitte Ă  perturber les eurosceptiques et les ultra-libĂ©raux du socle commun » , estime un Ă©lu proche du locataire de Matignon. MalgrĂ© un discours « lĂ©nifiant » , comme l’a qualifiĂ© le socialiste Arthur Delaporte, le Premier ministre est loin de s’ĂŞtre mis la majeure partie des dĂ©putĂ©s dans la poche. Y compris ceux de son « socle commun ». 

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