FRANCE INFO 🔵 PĂ©nurie d’enseignants : pourquoi l’idĂ©e de Michel Barnier de faire appel aux professeurs retraitĂ©s volontaires ne fait pas l’unanimitĂ© – Shango Media
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FRANCE INFO 🔵 PĂ©nurie d’enseignants : pourquoi l’idĂ©e de Michel Barnier de faire appel aux professeurs retraitĂ©s volontaires ne fait pas l’unanimitĂ©

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Les parents d'élèves de l'école Marengo à Toulouse (Haute-Garonne) ont attaché des rubans à la grille de l'établissement pour symboliser l'absentéisme et les journées de cours perdues, le 28 janvier 2023. (PATRICK BATARD / HANS LUCAS / AFP)

Dans sa dĂ©claration de politique gĂ©nĂ©rale mardi, le Premier ministre a exposĂ© son souhait de solliciter « plus et mieux » des professeurs retraitĂ©s pour pallier les absences d’enseignants. Une mesure loin d’ĂŞtre inĂ©dite et qui, selon les syndicats, ne s’attaque pas au problème de fond.

« Le ministre de l’Education nationale lance un appel aux enseignants retraitĂ©s ». C’est le titre d’un article du Monde, datant de 1958. Objectif, Ă  l’Ă©poque : remĂ©dier Ă  la pĂ©nurie de professeurs, et de fait, l’absentĂ©isme. Soixante-six ans plus tard, mĂŞme problème, et mĂŞme solution exposĂ©e. Dans sa dĂ©claration de politique gĂ©nĂ©rale, Michel Barnier a dĂ©clarĂ©, mardi 1er octobre, vouloir « trouver des rĂ©ponses au dĂ©fi posĂ© par le remplacement des professeurs absents ». Il a brandi cette piste : « Faire plus et mieux appel Ă  des professeurs retraitĂ©s volontaires. » 

Lors d’un dĂ©bat suivant son discours, face Ă  Mathilde Panot, prĂ©sidente du groupe LFI Ă  l’AssemblĂ©e nationale, le Premier ministre a temporisĂ© et admis qu’il ne s’agissait pas de « la solution, Ă©videmment » mais d’« une des solutions » Ă  l’Ă©tude. La mesure a pourtant dĂ©jĂ  Ă©tĂ© expĂ©rimentĂ©e. En 1958, donc, mais aussi plus rĂ©cemment, lors de la crise du Covid-19. En avril, l’ex-ministre de l’Education nationale, Nicole Belloubet, avait aussi proposĂ© de faire appel aux professeurs retraitĂ©s pour assurer la mise en place des groupes de besoin en français et mathĂ©matiques, comme le rapporte Public SĂ©nat. 

Mais l’utilisation de ce vivier n’a jamais portĂ© ses fruits, selon les syndicats. « Ce n’est clairement pas une solution ni une rĂ©ponse acceptable. Durant la crise sanitaire, on a eu des retours de nos Ă©quipes locales. Les rectorats en demande avaient au mieux une candidature pour des centaines de besoins », affirme Catherine Nave-Bekhti, secrĂ©taire gĂ©nĂ©rale de la CFDT Education. 

« Ils ont fait le choix d’interrompre leur activitĂ©, ce n’est pas pour y retourner dans les mĂŞmes conditions quelques mois plus tard, Ă  moins qu’il y ait un avantage financier considĂ©rable », estime pour sa part Bruno Bobkiewicz, secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du SNPDEN-Unsa. ContactĂ© Ă  ce sujet par franceinfo, le ministère n’a, pour l’heure, pas rĂ©pondu Ă  nos sollicitations. Selon Catherine Nave-Bekhti, les enseignants en fin de carrière sont de plus en plus nombreux Ă  partir Ă  la retraite « avec une dĂ©cote, plutĂ´t que de faire l’annĂ©e de trop ». « On est aussi alertĂ©s par ceux qui, passĂ© 50 ans, font une demande de temps partiel, qui leur est très souvent refusĂ©e », souligne la reprĂ©sentante de la CFDT, dont le syndicat milite d’ailleurs pour une meilleure politique de santĂ© et de prĂ©vention dans l’Education nationale.

Philippe Watrelot, professeur et formateur retraitĂ© depuis septembre 2022, sait dĂ©jĂ  qu’il ne retournerait pas en classe si on le lui demandait. « La retraite est un acquis social, il faut passer Ă  autre chose mĂŞme si j’ai fait ce mĂ©tier avec beaucoup d’enthousiasme », explique l’ancien fonctionnaire. Il remarque que « les conditions de travail » se sont aussi « dĂ©gradĂ©es » au fur et Ă  mesure des annĂ©es. « Etre prof, ce n’est Ă©videmment pas travailler au fond de la mine. Mais il y a un manque cruel de reconnaissance qui provoque beaucoup de fatigue. »

Surtout, la mesure avancĂ©e par Michel Barnier ne permet pas de prendre le problème par le bon bout, selon ces professionnels. « On a encore plus de 3 000 postes qui n’ont pas Ă©tĂ© pourvus en 2024 », rappelle Jean-RĂ©mi Girard, prĂ©sident du Syndicat national des lycĂ©es, collèges, Ă©coles et du supĂ©rieur (Snalc). RĂ©sultat, des postes sont vacants dès la rentrĂ©e et « on vide très tĂ´t le vivier de professeurs remplaçants » pour pallier ces premiers manques, explique Jean-RĂ©mi Girard. Sauf que de nouvelles absences peuvent surgir tout au long de l’annĂ©e.

Selon un rapport de la Cour des comptes datant de fin 2021, le remplacement des professeurs des Ă©coles est assurĂ© dans près de 80% des cas. Au collège et au lycĂ©e, ce taux atteint 96%, mais seulement pour les longues absences, soit supĂ©rieures Ă  15 jours. Au total, près de 10% des heures de cours ont Ă©tĂ© « perdues » Ă  ces niveaux de scolaritĂ© lors de l’annĂ©e 2018-2019.

Pour limiter ces absences, la prioritĂ© est donc de donner envie aux jeunes de passer le concours et de mieux considĂ©rer les professeurs en poste – mĂŞme si ces derniers sont plutĂ´t absents pour des raisons de formation que pour des raisons de santĂ© – , estiment les syndicats.

« On a un gros souci avec le salaire et les conditions de travail. Il faudrait notamment revoir la taille des classes », illustre Jean-RĂ©mi Girard. Il Ă©voque Ă©galement la rĂ©forme de la formation, gelĂ©e depuis la dissolution. « On n’Ă©tait pas contre. Il y a quelque chose Ă  faire avec le concours Ă  bac+3 et le fait d’entrer progressivement dans le mĂ©tier les deux annĂ©es suivantes. »

Aujourd’hui, ĂŞtre prof a perdu de son prestige, comme le dĂ©plore Philippe Watrelot : « Si on remonte au temps de Pagnol, l’instituteur, c’Ă©tait un notable. » Bruno Bobkiewicz regrette lui un manque de reconnaissance de la part de la classe politique : « Ce n’est pas en disant merci de temps en temps que se règle le souci. Les personnels ont besoin qu’on valorise ce qui se fait de positif Ă  l’Ă©cole. » Dans une enquĂŞte menĂ©e sur ses rĂ©seaux sociaux en 2023, comme il le fait chaque annĂ©e depuis 2017, Philippe Watrelot rapporte que le mot qui est plus le revenu pour qualifier l’annĂ©e Ă©coulĂ©e est « mĂ©pris ». Le mĂŞme depuis 2019.

Durant son discours de mardi, Michel Barnier a bien Ă©voquĂ© le besoin de « renforcer l’attractivitĂ© de la mission d’enseigner » mais n’a pas donnĂ© de pistes pour y parvenir. « Tout le monde le dit, mais personne ne le fait », se mĂ©fie Jean-RĂ©mi Girard.

Le Premier ministre a Ă©galement estimĂ© que les professeurs avaient moins « besoin de grandes rĂ©formes et d’une Ă©nième refonte des programmes que du bon fonctionnement de leurs Ă©tablissements ». Une posture qui tranche avec celle de son prĂ©dĂ©cesseur, Gabriel Attal, dont la rĂ©putation dans le monde de l’Ă©ducation Ă©tait celle de privilĂ©gier le temps politique au temps de l’Ă©cole.

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