FRANCE INFO 🔵 « J’avais la haine envers les femmes » : au procès des viols de Mazan, la cour tente de comprendre la troublante dĂ©rive d’Adrien L. – Shango Media
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FRANCE INFO 🔵 « J’avais la haine envers les femmes » : au procès des viols de Mazan, la cour tente de comprendre la troublante dĂ©rive d’Adrien L.

« Mon père, c’est ma star. Ma mère, c’est la femme de ma vie. Ma sĹ“ur, c’est ma lumière ». C’est par cette formule qu’Adrien L. a dĂ©crit sa famille Ă  l’enquĂŞtrice de personnalitĂ©. Le profil de cet homme de 34 ans dĂ©tonne avec ceux de ses 50 coaccusĂ©s, au procès des viols de Mazan. Ils ont en moyenne 47 ans. Lui avait 24 ans lorsqu’il s’est rendu au domicile de Dominique et Gisèle Pelicot, le 14 mars 2014, pour se livrer Ă  « des attouchements, des tentatives de pĂ©nĂ©trations » vaginale et buccale, constatent les enquĂŞteurs sur les vidĂ©os le concernant. 

Contrairement Ă  une part consĂ©quente des accusĂ©s, issus de milieux relativement modestes, le trentenaire semble avoir grandi « auprès d’un couple parental très uni et chaleureux » : un père PDG d’une entreprise de plusieurs centaines de salariĂ©s dans le bâtiment public et une mère femme au foyer. Il se dit par ailleurs « très proche » de sa sĹ“ur, Emilie, qui a six ans de plus que lui. Quand la psychologue chargĂ©e de rĂ©aliser son expertise le rencontre, elle trouve le trentenaire « souriant, avenant et très ouvert Ă  l’Ă©change ».

Sa mère, entendue mardi 1er octobre devant la cour criminelle du Vaucluse, dĂ©crit un enfant « très affectueux », « hyper sensible », « à vouloir toujours faire plaisir », « très marrant », « jamais dĂ©sagrĂ©able ». A l’Ă©cole primaire, on lui dĂ©tecte une dyslexie, qui « le met en difficulté ». Mais grâce au soutien d’une orthophoniste, « il a avancé », assure cette femme de 63 ans. Alors, que fait Adrien L. dans le box des accusĂ©s ? 

Pour lui, le point de bascule est très clair : il l’attribue Ă  « une trahison » de Marine, son premier amour. « Elle est tombĂ©e enceinte Ă  16 ans, moi j’avais 18 ans », raconte le jeune homme lors de son interrogatoire de personnalitĂ©, mardi. « Je l’ai un peu vue comme ma mère, qui est tombĂ©e enceinte très tĂ´t, et je voulais avoir le mĂŞme parcours que mes parents », confie-t-il d’une voix douce, presque mielleuse, louant leur vie « magnifique ». Adrien L. ne manque pas de superlatifs pour Ă©voquer ses gĂ©niteurs, qui n’ont pas cachĂ© leur dĂ©sapprobation de voir leur fils devenir père si jeune. 

Mais lui tient bon et refuse que sa compagne avorte,« envers et contre tous », note l’enquĂŞtrice de personnalitĂ©. La petite Ninon naĂ®t en 2009. Adrien L. a tout juste 19 ans. Lorsqu’elle a 3 ans, il dĂ©cide de faire un test de paternitĂ©, sous la pression de ses parents. Il Ă©tait parti en apprentissage tout l’Ă©tĂ© quand Marine est tombĂ©e enceinte.  

« Ils n’ont pas arrĂŞtĂ© de me dire que quelque chose ne collait pas au niveau des dates. »

Adrien L.

devant la cour criminelle du Vaucluse

Le jeune homme dĂ©couvre alors qu’il n’est pas le père biologique de la fillette. Dès lors, les relations se dĂ©gradent considĂ©rablement avec sa compagne. « J’avais la haine envers les femmes », analyse-t-il aujourd’hui, estimant qu‘ »il y a eu un avant et un après ». « A partir de ce moment-lĂ , j’ai multipliĂ© les rencontres ». Il fait très vite la connaissance de StĂ©phanie, qui tombe enceinte dans la foulĂ©e. Adrien L. met plusieurs mois Ă  annoncer la nouvelle. « Celui-lĂ , c’est bien le mien ! », finit-il par dire Ă  ses parents. 

Pendant toute la grossesse de sa compagne, il se montre « ordurier » envers elle. « Il pouvait la traiter de pute », relate l’enquĂŞtrice de personnalitĂ© qui a Ă©changĂ© avec celle-ci. Le petit Enzo naĂ®t en mars 2014. Dix jours avant, Adrien L. se rendait au domicile du couple Pelicot.

Durant cette pĂ©riode, l’experte psychologue estime que le jeune homme a eu « une sexualitĂ© exacerbĂ©e et non contrĂ´lĂ©e », notant qu’« il ne parvient pas Ă  rejeter l’autre, et que la notion de frustration est chez lui inexistante ». Le jeune accusĂ© lui a dĂ©clarĂ© avoir « tout essayĂ© niveau sexuel », en frĂ©quentant notamment les clubs Ă©changistes et libertins. Quant Ă  l’enquĂŞtrice de personnalitĂ©, elle tique sur une de ses dĂ©clarations. L’accusĂ© lui confie sa « grande peur des MST [maladies sexuellement transmissibles] et ajoute avoir une aversion pour la saleté ». 

« J’ai l’impression de tomber en morceaux si je ne me lave pas. »

Adrien L.

Ă  l’enquĂŞtrice de personnalitĂ©

Cette phrase l’intrigue particulièrement. « Est-ce que vous avez Ă©tĂ© victime de quelque chose ? », lui demande-t-elle, pensant dĂ©celer le « signe post-traumatique » d’une agression. La volontĂ© de « se laver » Ă©tant classique chez les victimes de violences sexuelles, « pour essayer de faire disparaĂ®tre » ce qu’elles ont vĂ©cu. Et si le point de bascule d’Adrien L. n’Ă©tait pas celui qu’il donnait Ă  voir jusqu’ici ? 

« On ne va pas revenir dessus », lui rĂ©pond sèchement l’intĂ©ressĂ©. A la barre mardi après-midi, sa sĹ“ur, extrĂŞmement Ă©mue, confirme avoir eu connaissance des faits « en 2018-2019, au moment oĂą il s’Ă©tait mis Ă  consulter un psy ». Son petit frère avait 8 ans quand un cousin s’en est pris Ă  lui. « Il me l’a appris un soir, par SMS », explique-t-elle. Il finira par venir chez elle pour en discuter. « J’ai dit qu’on le soutiendrait. Il a rĂ©pondu qu’il ne voulait pas, donc je ne me suis pas sentie d’aller contre ce qu’il voulait. J’aurais peut-ĂŞtre dû », dit-elle, la voix entrecoupĂ©e par les larmes, affirmant se sentir « responsable » du sort de son petit frère. 

Leur mère apparaĂ®t plus en retenue quand un assesseur soulève le sujet. « Il nous en a parlĂ© très très tard. Il le vivait comme une honte et ne voulait pas nous blesser », avance-t-elle, visiblement gĂŞnĂ©e. « C’est son cĂ´tĂ© protecteur », ajoute la sexagĂ©naire, insistant sur le fait que son mari « en souffre Ă©normĂ©ment », au point qu’il Â«Â s’en est rendu presque responsable. Il a d’ailleurs arrĂŞtĂ© de travailler brutalement », souligne-t-elle.

Mais Guillaume de Palma, l’avocat d’Adrien L., n’entre pas en empathie avec la mère de son client. « L’environnement Ă©tait peut-ĂŞtre trop lisse chez vous, pour que ce genre de chose puisse ĂŞtre dite », suggère-t-il. « Oui, je pense, mais si on l’avait su petit… », tente d’expliquer la femme, coupĂ©e dans sa rĂ©ponse. « Quand bien mĂŞme les choses auraient Ă©tĂ© dites, quand il Ă©tait plus petit, est-ce que ça aurait changĂ© grand-chose ? », l’interroge le conseil. « Peut-ĂŞtre pas », reconnaĂ®t-elle d’une voix Ă  peine audible.

Alexia Berard, l’autre avocate de l’accusĂ©, n’en reste pas lĂ , et revient sur le test de paternitĂ© concernant la petite Ninon, dĂ©cĂ©dĂ©e en 2020 d’un accident de la route. Pourquoi a-t-elle tant insistĂ© pour que son fils fasse ce test ? La sexagĂ©naire tente de se justifier, et finit par lâcher : « J’avais besoin de savoir ». « Pourquoi ? Ce n’Ă©tait pas votre enfant, mais celui de votre fils », rĂ©torque l’avocate. Â«Â Je ne sais pas… On protĂ©ge toujours ses enfants », justifie-t-elle. « Vous ne pensez pas que dĂ©couvrir cela a pu entrainer chez lui des difficultĂ©s, que ça a pu altĂ©rer sa construction psychologique ?« , poursuit Alexia Berard. « Il avait donnĂ© sa confiance Ă  une personne qui l’a trahi », se dĂ©fend la mère d’une voix tremblante. 

Adrien L. l’observe avec un regard immensĂ©ment tendre, la tĂŞte posĂ©e contre son box, comme un petit garçon. En dĂ©calage total avec la tension qui règne dans la salle d’audience pendant cet Ă©change. Sa mère vient d’ĂŞtre Ă©gratignĂ©e par ses propres avocats. « Jamais je ne critiquerai mes parents », continue pourtant Ă  soutenir l’accusĂ© lors de son interrogatoire. Pas mĂŞme son père, qui n’a pourtant « pas voulu qu’il travaille avec lui » dans l’entreprise familiale, quand bien mĂŞme Adrien L. avait fait des Ă©tudes dans le BTP pour l’imiter. 

« Vous avez souffert de cette dĂ©valorisation ? Vous exprimez la plus grande gratitude Ă  votre père, mais jusqu’Ă  quand ? », l’interroge son conseil. « Depuis que je suis en âge de dĂ©cider, je fais comme lui. Mon père aurait Ă©tĂ© pompier, j’aurais Ă©tĂ© pompier », rĂ©pond Adrien L., qui n’en dĂ©mord pas. L’enquĂŞtrice de personnalitĂ© s’est demandĂ© s’il ne devrait pas quitter le Vaucluse, en sortant de prison, pour se dĂ©faire de cette figure paternelle omnipotente.

« De toute façon, oĂą que j’aille, quoi que je fasse, je me rĂ©fère Ă  mon père. »

Adrien L.

face Ă  la cour criminelle du Vaucluse

Lorsque les enquĂŞteurs l’ont identifiĂ© courant 2021 comme l’un des 72 hommes qui se sont rendus Ă  Mazan, le jeune homme Ă©tait dĂ©jĂ  incarcĂ©rĂ© depuis octobre 2020 au centre pĂ©nitentiaire du Pontet, près d’Avignon, dans le cadre d’une autre procĂ©dure, pour des faits de violences et de viols sur trois anciennes compagnes. Il a Ă©tĂ© dĂ©finitivement condamnĂ© en appel en janvier Ă  quatorze annĂ©es de rĂ©clusion dans ce dossier. « J’ai touchĂ© le fond, je ne peux que rebondir », assure-t-il, soulignant avoir « travaillĂ© sur lui ». Jusqu’Ă  prĂ©sent, Adrien L. a affirmĂ© ne pas « croire Ă  l’absence de consentement » de Gisèle Pelicot. Il sera entendu en fin de semaine sur les faits.

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