20 MINUTES 🔵 Un usage disproportionné de la force lors de l’AG de TotalEnergies ?
Sous un épais nuage de lacrymogène, des manifestants se lèvent et quittent un bout de rue. La séquence est devenue très rapidement virale ce vendredi 26 mai, partagée plus de 2.700 fois. Lors de l’action de blocage de l’AG de TotalEnergies, menée par des militants écologistes, « une grenade lacrymogène a été déposée au milieu de manifestants assis, menottés et non violents », explique sur Twitter le journaliste freelance Clément Lanot, présent sur place et qui a l’habitude de suivre les manifestations.
Les images qu’il a filmées ont suscité de l’indignation et des questions sur la proportionnalité de la réponse des forces de l’ordre. Dans un communiqué, les Amis de la Terre ont dénoncé un dispositif policier « massif » une « violence particulièrement forte dès les premières minutes », avec gazage à bout portant, grenades lacrymogènes lancées dans la foule assise, vêtements brûlés aux grenades, matraquage arbitraire, interpellations, brutalisation des activistes et journalistes.
Pour la préfecture de police de Paris, il n’y a pas eu d’usage disproportionné de la force dans la séquence filmée par Clément Lanot. Elle explique que plusieurs personnes ont tenté de pénétrer sur un chantier dans un commerce, que des sommations ont été faites, mais qu’elles sont restées « infructueuses ». « Les moyens lacrymogènes ont été employés pour disperser les individus et éviter que des infractions de dégradations ou d’intrusions soient perpétrées », complète la préfecture de police.
« Ils ont jeté une grenade lacrymo au milieu des gens »
Un déroulé qui ne correspond pas tout à fait à ce qu’a vu Clément Lanot. « Les militants n’étaient pas dans le chantier, ils étaient assis et calmes, attachés entre eux », raconte-t-il. Une personne a grimpé sur un conteneur de chantier, rapportent Clément Lanot et Quentin G., un militant écologiste qui a participé à l’action de blocage, rejoint ensuite par une autre, sans intention de dégrader. Plusieurs membres des forces de l’ordre ont tenté de l’extraire, de le menotter : « Leur supérieur a dit non, on le laisse et il a été libéré », relate Quentin G.
C’est alors qu’a lieu l’épisode de la grenade lacrymogène. Après deux sommations, « ils ont tous mis leur masque, ils ont jeté une grenade lacrymo au milieu des gens qui étaient assis », poursuit le militant. Clément Lanot indique aussi que la grenade a été « mise dans la foule » et n’a pas visé la personne sur le conteneur. Comme on le voit sur la vidéo, les activistes se lèvent, sont poussés « et matraqués », précise Quentin G., pour être évacués.
« L’argumentaire de la préfecture, c’est du grand n’importe quoi »
« Lui, il est resté sur le conteneur jusqu’en fin de matinée, il est descendu de son propre chef et est sorti du chantier sans jamais rien dégrader et il a ensuite été privé de sa liberté au moment où il est descendu », ajoute Quentin G. Pour Arié Alimi, avocat au barreau de Paris, « l’argumentaire de la préfecture, c’est du grand n’importe quoi, s’insurge-t-il. La proportionnalité ne peut s’apprécier qu’au moment où on pose la grenade et à l’endroit où on la pose, et en raison de l’objectif poursuivi. Là, concrètement, ils mettent la grenade au milieu du groupe pour le disperser, les autres raisons avancées n’ont aucun lien avec la grenade. »
Dans le schéma de maintien de l’ordre, le caractère nécessaire, gradué et proportionné de l’usage de la force doit être apprécié. Et c’est sur la proportionnalité qu’Arié Alimi estime qu’il y a « un vrai sujet ». En prenant en compte le caractère pacifique de l’attroupement, « il me semble qu’il y avait d’autres moyens de faire et notamment l’extraction manuelle », ajoutant que les forces de l’ordre « ont voulu faire une économie de moyens ». Quentin G. indique que quelques personnes ont été extraites manuellement pour « ceux qui avaient mis une combinaison et de la mélasse pour symboliser l’argent sale de Total, mais ils n’ont à aucun moment tenté d’utiliser la manière douce pour le reste du groupe ».
Pour Ariel Alimi, cela crée en soi une violence et un trouble à l’ordre public. Il estime que si une plainte était déposée, un juge pourrait dire que « ce n’est assez justificatif puisque l’obligation de proportionnalité n’a pas été respectée ».