CAPITAL 🔵 Succession : logé quasi gratis par son père, il se voit réclamer 180 000 euros par sa fratrie
Loger un enfant Ă bas prix peut-il ĂŞtre considĂ©rĂ© comme un cadeau Ă prendre en compte dans l’hĂ©ritage des parents ? La Cour de cassation apporte une rĂ©ponse dans une dĂ©cision rĂ©cente.
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– Ă€ la mort de leur père, des frères et sĹ“urs reprochent Ă l’un d’eux d’avoir reçu un cadeau de dizaines de milliers d’euros en Ă©tant logĂ© Ă un prix infĂ©rieur au marchĂ© dans un appartement de leur père.
S’il y a un moment oĂą frères et sĹ“urs se serrent les coudes, c’est bien lors du dĂ©cès de l’un des parents. Pas dans la famille «S». Ă€ la mort de leur père, H.S., le 25 avril 2007, quatre de ses enfants n’ont rien trouvĂ© d’autre que de reprocher au cinquième, W., d’avoir reçu du papa un cadeau de plusieurs dizaines de milliers d’euros, qu’ils souhaitent voir dĂ©sormais partagĂ© entre eux tous. Une Ferrari ? Non, l’enfant W. a Ă©tĂ© logĂ© dans un appartement du père Ă un prix infĂ©rieur au loyer moyen du marchĂ©, du 1er novembre 2003 au 31 octobre 2015. Un avantage financier que ses quatre frères et sĹ“urs ont chiffrĂ© très prĂ©cisĂ©ment Ă 182 939,64 euros sur cette douzaine d’annĂ©es. Ils ont souhaitĂ© voir cet avantage intĂ©grĂ© dans la succession de leur père, afin d’obtenir leur part de cette somme. Mais celle-ci doit-elle ĂŞtre considĂ©rĂ©e comme un cadeau fait par monsieur S. Ă son fils W. et, Ă ce titre, intĂ©grĂ©e dans la succession en vue d’ĂŞtre partagĂ©e avec les quatre autres rejetons ?
Oui, selon un arrĂŞt rendu le 22 mai 2022 par la cour d’appel de Versailles, saisie par les quatre frères et sĹ“urs de W. La cour a considĂ©rĂ© que l’occupation du bien du père par son fils, en Ă©change d’un loyer infĂ©rieur au prix du marchĂ©, constituait une donation indirecte. En effet, si le père n’avait pas logĂ© son fils Ă bas prix dans cet appartement, il aurait pu le louer Ă quelqu’un d’autre au tarif du marchĂ© et, ainsi, s’enrichir. En s’abstenant de mettre ce bien sur le marchĂ© de la location, le père a agi «avec la volontĂ© de gratifier son fils, caractĂ©risant ainsi une intention libĂ©rale», estime la Cour d’appel de Versailles. Or, considĂ©rĂ©e comme une avance sur la succession, la donation indirecte doit ĂŞtre prise en compte dans celle-ci afin d’ĂŞtre partagĂ©e avec les autres descendants du dĂ©funt.
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Loger son enfant Ă bas prix, un cadeau, vraiment ?
StupĂ©fait de devoir apporter plus de 180 000 euros dans le cadre de la succession de son père afin de partager cette somme avec ses frères et soeurs, le fils W. s’est pourvu en cassation. Bien lui en a pris : dans une dĂ©cision du 12 juin 2024, la Cour de cassation a cassĂ© et annulĂ© l’arrĂŞt de la Cour d’appel de Versailles. Pour la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire, deux conditions doivent ĂŞtre remplies pour que cette somme soit dument rĂ©clamĂ©e par les successeurs : qu’il s’agisse d’un «cadeau» fait par l’un des parents Ă ses enfants et que ce geste ait «appauvri» le donateur.
Dans le cas de monsieur S.,la seconde condition est bien remplie. Il y a bien appauvrissement puisqu’il a louĂ© son bien Ă son fils Ă un prix infĂ©rieur au loyer du marchĂ©. Mais s’agit-il pour autant d’un cadeau ? En logeant son fils aux maigres revenus Ă des conditions financières intĂ©ressantes, son père ne lui a-t-il pas tout simplement apportĂ© une aide indispensable ? Faute de preuve, il n’y a pas de cadeau et rien ne peut ĂŞtre rĂ©clamĂ© Ă W., a jugĂ© la Cour de cassation. Les quatre frères et sĹ“urs de W. doivent donc faire une croix sur les quelque 180 000 euros en question.
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