BFM TV 🔵 Mort d’une patiente aux urgences Ă Paris: l’AP-HP sera jugĂ©e pour homicide involontaire
Le 17 dĂ©cembre 2018, une femme de 55 ans est morte après son passage aux urgences dans un hĂ´pital parisien. L’AP-HP sera jugĂ©e pour homicide involontaire comme l’avait requis le parquet en 2022.
L’Assistance publique-HĂ´pitaux de Paris (AP-HP) sera jugĂ©e devant le tribunal correctionnel pour homicide involontaire, après la mort en 2018 d’une patiente âgĂ©e de 55 ans, admise aux urgences et laissĂ©e pendant plusieurs heures sans que « personne ne s’en prĂ©occupe ».
Dans son ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, rendue ce mercredi 30 octobre et consultĂ©e par l’AFP, le juge d’instruction affirme que « l’AP-HP a commis une faute en lien certain » avec la mort de Micheline Myrtil.
Cette patiente, nĂ©e en Martinique en 1963, souffrant alors de cĂ©phalĂ©es et de douleurs aux mollets, avait Ă©tĂ© dĂ©posĂ©e aux urgences de Lariboisière par les pompiers le 17 dĂ©cembre 2018 en fin d’après-midi, puis reçue et orientĂ©e vers une salle d’attente.
AppelĂ©e vers minuit sous une mauvaise identitĂ© (« Myatil » au lieu de « Myrtil »), la patiente n’a jamais rĂ©pondu, puis a Ă©tĂ© considĂ©rĂ©e comme partie. Elle se trouvait en rĂ©alitĂ© sur un brancard, « sans surveillance » entre 1 heure et 6 heures du matin, heure Ă laquelle elle a Ă©tĂ© retrouvĂ©e morte, sans avoir vu de mĂ©decin.
Un premier rapport d’autopsie avait Ă©tabli que la patiente Ă©tait morte « d’une dĂ©faillance respiratoire aiguĂ« secondaire Ă un Ĺ“dème pulmonaire ».
Un appel « sous une identité erronée »
Selon le juge d’instruction, la « nĂ©gligence grave rĂ©side bien Ă©videmment dans le fait d’avoir pris en charge mĂ©dicalement Micheline Myrtil dans le service des urgences vers 19 heures et de ne pas s’ĂŞtre prĂ©occupĂ© de l’Ă©volution de son Ă©tat pendant plus de cinq heures ».
« Avant », poursuit-il, « de l’appeler vainement Ă la cantonade sous une identitĂ© erronĂ©e Ă deux reprises, sans chercher davantage Ă la localiser alors qu’elle se trouvait nĂ©cessairement sur son brancard dans le recoin du circuit court oĂą il avait Ă©tĂ© positionnĂ©, avec son bracelet au poignet, et de l’y avoir laissĂ©e pendant toute la nuit, sans que personne ne s’en prĂ©occupe ».
Selon lui, « la faute de nĂ©gligence grave a exclu toute possibilitĂ© de survie » de Micheline Myrtil, avançant « le caractère lĂ©tal d’une infection invasive Ă mĂ©ningocoque en l’absence de prise en charge mĂ©dicale. »
Si le parquet de Paris avait initialement requis un procès pour homicide involontaire, fin 2022, il a finalement demandĂ© le 3 juillet un non-lieu, estimant que « le lien de causalitĂ© entre d’Ă©ventuelles carences dans la prise en charge Ă l’hĂ´pital » et « le dĂ©cès n’Ă©tait pas Ă©tabli ».
Une situation « exceptionnelle » ce jour-lĂ
Au cours de l’instruction, la dĂ©fense de l’AP-HP a fait valoir que le protocole Ă l’Ă©poque « était conforme aux recommandations professionnelles » et que la situation ce jour-lĂ Ă©tait « exceptionnelle, tant dans le nombre de personnes accueillies aux urgences que dans le fait qu’un mĂ©decin avait Ă©tĂ© exceptionnellement absent en raison d’un arrĂŞt maladie survenu Ă la dernière minute ».
Ni l’AP-HP, ni l’un de ses avocats, Me Mario Stasi, n’ont souhaitĂ© rĂ©agir. Selon une expertise rendue en dĂ©cembre 2023, le placement de la patiente « en zone de ‘circuit court’ ne semblait pas recommandĂ© au regard de son Ă©tat initial » mais « avait Ă©tĂ© validĂ© par le mĂ©decin rĂ©fĂ©rent du fait d’un manque de place ».
Après cette mort, Lariboisière avait annoncĂ© des mesures de contrĂ´le accrues des patients aux urgences. L’Agence rĂ©gionale de santĂ© (ARS) avait aussi Ă©mis diverses recommandations, parmi lesquelles une augmentation des effectifs.
Pendant l’enquĂŞte, les praticiens de l’hĂ´pital ont collectivement mis en cause un manque d’effectifs et de moyens, dĂ©noncĂ© de longue date.
Des moyens insuffisants face Ă l’afflux de patients
En audition, le mĂ©decin urgentiste qui aurait dĂ» traiter Micheline Myrtil la nuit de sa mort a ainsi pointĂ© un système d’urgences dĂ©passĂ© par l’afflux de patients et des moyens insuffisants et des locaux compliquant la prise en charge.
« Je ne savais mĂŞme pas que cette patiente existait avant d’apprendre son dĂ©cès », concèdera-t-il tragiquement.
Les cinq principaux syndicats de l’AP-HP (CGT, SUD, FO, CFDT, CFTC) avaient dĂ©plorĂ© « qu’il ait fallu ce drame pour que la direction s’engage enfin sur les rĂ©ponses Ă apporter aux situations de crise subies et dĂ©noncĂ©es ».
Le cas de Micheline Myrtil avait plus largement alimentĂ© le dĂ©bat chronique et toujours actuel sur la crise du monde hospitalier, avant mĂŞme le sĂ©isme de la crise sanitaire liĂ©e Ă l’Ă©pidĂ©mie de Covid-19.