20 MINUTES 🔵 Y a-t-il encore des arguments pour pêcher la baleine aujourd’hui ?
Si tout est bon dans le cochon, ce n’est plus le cas dans la baleine. Pendant que Paul Watson, le patron de Sea Shepherd France, est emprisonné au Groenland pour son combat contre les chasseurs japonais de baleines, ces mêmes Japonais ont lancé leur plus gros et plus moderne navire baleinier avec pour objectif de capturer 200 cétacés d’ici la fin de l’année. Pourtant, si la pêche commerciale des baleines a pu s’avérer vitale en son temps, cette pratique l’est-elle toujours aujourd’hui ? Spoiler alerte : non.
Secrétaire du musée maritime de Nouvelle-Calédonie, Alain Le Breüs avait listé, en 2002, toutes les applications possibles et imaginables des « produits de la baleine ». La viande pour l’alimentation humaine. L’huile pour l’éclairage, comme lubrifiant technique, comme composant cosmétique. Les fanons comme armatures de vêtements, pour faire des cravaches ou des cannes. Les grands os en tant que poutres ou solives. L’os de l’oreille en pharmacie. Le « blanc de baleine » en cosmétique. L’ambre gris en parfumerie. L’ivoire des dents en joaillerie. Selon National Geographic, on se servait même des intestins pour fabriquer des cordages. Bref, jusqu’au XIXe siècle, une baleine était non seulement 100 % recyclable mais on ne se souciait guère de la préservation de l’espèce.
La viande de baleine est « toxique »
« Tout ça, c’est des conneries aujourd’hui », lance à 20 Minutes une porte-parole de l’ONG The Animal Fund, qui martèle que pour chacune de ces utilisations il existe une alternative. A commencer par la viande. Quand le Japon dégaine l’argument de la souveraineté alimentaire, affirmant que la baleine constitue une « ressource alimentaire importante », l’ONG affirme au contraire que la consommation de viande de baleine est presque nulle. Citant le ministère de l’Agriculture japonais, le Guardian note que les Japonais n’engloutissaient que 1.000 tonnes de baleine en 2021 contre 233.000 tonnes en 1962.
The Animal Fund et d’autres ONG affirment aussi que la viande de baleine est « toxique » et, donc, dangereuse pour l’homme. Selon le Muséum national d’histoire naturelle, les « cétacés sont particulièrement exposés à la pollution chimique, microplastique et toxique rejetée dans nos océans ». En 2004, l’ONG Blue Voice révélait que des études du ministère de la Santé japonais sur des échantillons de viande de baleine montraient notamment un « niveau de mercure dépassant de 400 fois le niveau sûr » admissible. En 2011, les autorités vétérinaires des Îles Féroé recommandaient aux femmes désireuses d’avoir des enfants de ne pas consommer de viande de baleine.
Trop cher et mauvais pour l’image
Restent les autres « produits dérivés » de la baleine. L’utilisation de l’huile pour l’éclairage ou le chauffage a disparu depuis des lustres au profit des énergies fossiles et de l’électricité. Dans l’industrie des cosmétiques, l’huile, ou spermaceti, se fait rare : « Il y a une question d’image que les marques veulent préserver, mais aussi une question de prix », explique The Animal Fund à 20 Minutes. Pourtant, l’ONG assure que certaines entreprises utilisent encore cette substance aujourd’hui « sous des noms qui la rendent difficilement identifiable ». C’est le cas de l’additif codé E909.
L’ambre gris, aussi appelé le « vomi de baleine », est utilisé traditionnellement en parfumerie. C’est une sorte de calcul expulsé naturellement par les cachalots que l’on peut trouver sur les plages mais dont la rareté fait exploser le prix. Il peut aussi être prélevé directement dans les intestins de l’animal chassé et tué, mais le produit est alors interdit dans les pays signataires du moratoire de 1982. « On n’est jamais obligé d’utiliser ça. Il existe des alternatives botaniques efficaces et durables facilement disponibles », plaide l’ONG. C’est notamment le cas pour l’acide hyaluronique qui peut être produit en laboratoire par bio-fermentation.