20 MINUTES 🔵 Violences faites aux femmes, homophobie, racisme… Comment peut-on rire de sujets « pas drĂ´les » ? – Shango Media
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20 MINUTES 🔵 Violences faites aux femmes, homophobie, racisme… Comment peut-on rire de sujets « pas drôles » ?

«Pour certaines blagues, je me suis dit : « Ah ouais, je ne sais pas, est-ce que je suis d’accord de rire de cette violence qu’elle a vĂ©cue ? ! » Â», lance Javiera, perplexe. Elle vient d’assister Ă  la soirĂ©e stand-up « On ne peut plus rien dire Â», du collectif Metoo Lyon et Filactions, dans le cadre d’évĂ©nements organisĂ©s pour lutter contre les violences faites aux femmes, Ă  Villeurbanne.

Après avoir invité Tahnee, Camille Giry et Mamari pour la première édition, les deux associations ont accueilli cette année les humoristes Amélie Coispel et Noam Sinseau pour montrer qu’il était possible de rire de discriminations vécues.

Comment se diffĂ©rencier des blagues vraiment problĂ©matiques ?

Blagues sur le genre, la bisexualitĂ©, l’homosexualitĂ©, le racisme… Dans la salle de 490 places, remplie, les spectateurs et spectatrices alternent entre les rires et les applaudissements de « reconnaissance Â». « C’est un peu comme avec Hannah Gatsby [connue pour son spectacle Nanette], tu chiales et tu ris en mĂŞme temps Â», rĂ©sume Laura, après la soirĂ©e. Ă€ cĂ´tĂ© d’elle, Rita ajoute : « Ce n’est pas forcĂ©ment facile de rigoler car ce sont des thĂ©matiques complexes mais, en tant que personne issue de la minoritĂ©, c’est comme si on se moquait de la norme et qu’on retournait le stigmate. Â»

C’est exactement ce que prĂ´nent les deux artistes ce soir-lĂ . Après leur passage, ils ont participĂ© Ă  une table ronde et ont notamment expliquĂ© comment ne pas ĂŞtre « problĂ©matiques Â», comme certains humoristes peuvent encore l’être avec des blagues vraiment sexistes et racistes.

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« Avec Tahnee, Mahaut et Lou [d’autres humoristes queer et engagĂ©s], qui sont mes meilleurs amis et mon cercle proche dans le stand-up, on se passe nos blagues entre nous pour se les confirmer et s’assurer qu’on ne blesse aucune communautĂ© avec ce qu’on dit, explique Noam Sinseau. Il ne faut pas avoir peur de communiquer, de demander si telle ou telle blague est problĂ©matique. Ce que certains ne font pas. Car mĂŞme si on est des personnes conscientes, qui font attention, on est sans cesse en voie en dĂ©construction. Â»

Pour AmĂ©lie Coispel, c’est en continuant de s’informer sur ce qu’il se passe autour de nous qu’on Ă©vite justement ces biais discriminants et oppressants. « Je pense mĂŞme que c’est une paresse intellectuelle de faire des blagues sur les meufs Ă  la cuisine ou sur le fait qu’elles ne sauraient pas conduire. Ces rĂ©fĂ©rentiels sont dĂ©jĂ  très Ă©culĂ©s Â», ajoute-t-elle.

Un cadre « bienveillant Â» oĂą on se sent « en sĂ©curitĂ© de rire Â»

En plus d’inviter des artistes engagĂ©s, les deux associations voulaient Ă©galement s’assurer de proposer un « cadre bienveillant Â», oĂą « tout le monde se sent bien, humoristes et public Â». Car comme le fait remarquer un des spectateurs, RaphaĂ«l, « il est difficile de connaĂ®tre les limites de chacun dans le sujet des violences, mĂŞme en amenant très bien une blague Â».

Ainsi, pour cette soirée, l’organisation avait prévu un dispositif d’écoute, avec des bénévoles formé.e.s, qui permettaient de sortir de la salle à n’importe quel moment et d’avoir un moment de repos dans un endroit safe.

« Cette soirĂ©e est pour nous l’occasion de proposer un moment plus lĂ©ger dans ces semaines de luttes intenses tout en continuant de sensibiliser Ă  la cause, explique Charlène, bĂ©nĂ©vole pour Metoo Lyon. On voit cette soirĂ©e comme une bulle. C’était donc important pour nous de rĂ©unir les bonnes conditions. Â»

Laura, Ă©galement bĂ©nĂ©vole dans le collectif, ajoute : « On a voulu crĂ©er un cadre oĂą on puisse se dire : « Parce que c’est bien fait, parce que ce sont des personnes concernĂ©es qui en parlent, qui jouent sur l’autodĂ©rision, on se sent aussi en sĂ©curitĂ© pour en rire. » Â»

L’importance de l’humour comme outil de militantisme

Ce soir-lĂ , AmĂ©lie Coispel et Noam Sinseau ont jouĂ© devant un public « au courant et convaincu Â» de la nĂ©cessitĂ© de lutter contre les violences faites aux minoritĂ©s. Mais les humoristes ont soulignĂ© l’importance de ne pas gommer leur cĂ´tĂ© engagĂ© devant des personnes « moins averties Â» sur ces sujets.

« Quand je me suis lancĂ© dans le stand-up, j’ai voulu me conformer pour faire plus de scènes et rĂ©ussir, explique Noam Sinseau. Mais je me suis vite rendu compte qu’en poussant au maximum qui j’étais sur scène, je pouvais aussi insĂ©rer des petites graines dans la tĂŞte des homophobes pour que ces personnes se remettent en question plus tard. Et Ă  partir de lĂ , j’ai commencĂ© Ă  dire que j’étais pĂ©dĂ© sur scène et je n’ai plus jamais arrĂŞtĂ©. Â»

Notre dossier sur l’humour

« En affirmant notre identitĂ© militante devant tous les publics, on permet aussi Ă  nos histoires d’exister dans d’autres nos milieux que ceux oĂą les gens sont « dĂ©jĂ  acquis », dĂ©taille AmĂ©lie Coispel. Avec nos spectacles et le rire, on peut ainsi partager, transmettre des idĂ©es d’une manière plus particulière que dans d’autres contextes car on ne suscite pas les mĂŞmes Ă©motions. Et c’est une force. Â» Elle explique que son « rĂŞve Â» est alors d’arriver Ă  crĂ©er un show Ă  la fois drĂ´le et pĂ©dagogique, qu’on veuille « emmener quelqu’un Ă  un spectacle pour lui faire comprendre qui on est, de la mĂŞme manière qu’on enverrait une chanson pour dire ce qu’on ressent Â».

« Et puis, en assumant totalement nos identitĂ©s, des gens dans le public peuvent voir qu’il y a des gens comme eux sur scène, qui vivent la mĂŞme chose qu’eux, qu’ils ne sont pas seuls et qu’ils peuvent rĂ©ussir. Et moi, c’est ce qui m’a manquĂ© quand j’étais adolescent Â», conclut Noam Sinseau.

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