20 MINUTES 🔵 Syrie : Timing, enjeu pour Bachar al-Assad, bilan… Ce que l’on sait de la prise d’Alep par les djihadistes
Quatre ans de trêve, puis la prise d’une ville majeure en à peine quelques jours. Mercredi, les djihadistes de Hayat Tahrir al-Sham (HTS), alliance dominée par l’ancienne branche syrienne d’Al-Qaïda, et des rebelles soutenus par la Turquie ont attaqué des territoires du régime dans la province d’Alep et dans la région voisine d’Idleb. Ce samedi, Alep, deuxième ville du pays, est aux mains des assaillants.
L’offensive éclair des djihadistes et des forces rebelles en Syrie a de quoi surprendre, alors que la région est déjà largement secouée par le conflit entre Israël et le Hezbollah libanais. Pourquoi attaquer maintenant ? Quels sont les enjeux ? Quelles conséquences pour le régime syrien ? Quel est le bilan humain ? 20 Minutes fait le point.
Pourquoi attaquer maintenant ?
Trois jours seulement auront suffi pour conquĂ©rir des dizaines de villages et surtout la « majeure partie » des quartiers d’Alep, des bâtiments gouvernementaux et des prisons, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH). L’opĂ©ration Ă©tait prĂ©parĂ©e depuis plusieurs mois assure Dareen Khalifa, experte de l’International Crisis Group.
« Elle a été présentée comme une campagne défensive face à une escalade du régime », souligne-t-elle, en allusion à de précédents bombardements intensifs de l’armée syrienne et son allié russe, contre des zones rebelles du nord-ouest. Mais HTS et ses alliés « observent également le changement régional et géostratégique ». Leur offensive a été lancée le jour même où une trêve entrait en vigueur au Liban entre l’armée israélienne et le Hezbollah, un allié du régime syrien et de Téhéran. « Ils pensent que maintenant les Iraniens sont affaiblis et le régime acculé », estime Dareen Khalifa.
Quels enjeux diplomatiques à l’international ?
Le conflit entre le régime syrien et les rebelles est donc directement corrélé à la marge de manœuvre de leurs alliés, puissances régionales ou mondiales aux intérêts parfois contraires. Vendredi, le Kremlin, empêtré sur le front ukrainien, a appelé les autorités syriennes à « mettre de l’ordre au plus vite » à Alep. Téhéran a de son côté dénoncé un complot fomenté par les Etats-Unis et Israël.
La relation entre la Syrie et la Turquie n’aide pas non plus. Moscou et l’Iran plaident pour une détente, mais Damas réclame un retrait des troupes turques déployées dans le nord syrien le long de la frontière. La Turquie, qui soutient des rebelles du nord syrien a, elle, réclamé la fin des « attaques » du régime contre l’enclave d’Idleb. « Dans les prochains jours, si les rebelles parviennent à garder leurs gains territoriaux, ce sera un test révélateur de l’étendue de l’engagement turc », indique Dareen Khalifa.
Quelles conséquences pour le régime syrien ?
L’offensive constitue indéniablement un coup dur pour Bachar al-Assad. « Les lignes du régime se sont effondrées à un rythme incroyable qui a pris tout le monde par surprise », estime Dareen Khalifa. Malgré des combats confirmés par l’armée syrienne, djihadistes et rebelles ont progressé sans être confrontés à « aucune résistance significative » assure Rami Abdel Rahmane, qui dirige l’OSDH.
Par le passé, Damas a pu compter sur le soutien de l’aviation russe et sur les forces du Hezbollah libanais, absorbées elles ces deux derniers mois par leur guerre ouverte contre Israël. La fulgurance de l’offensive vient « rappeler à quel point le régime est faible » estime-t-il, ajoutant que les forces pro-gouvernementales avaient probablement baissé leur garde à la faveur du calme précaire qui régnait dans le nord.
Quel bilan humain ?
Les combats ont fait plus de 300 morts entre mercredi et vendredi soir, principalement des combattants, dont une centaine des forces gouvernementales et leurs alliés, mais aussi 28 civils, selon l’OSDH. « Samedi, au moins 16 civils ont été tués et 20 blessés lorsque des avions de guerre, probablement russes, ont pris pour cible des véhicules civils » dans un secteur de la ville pris par les rebelles, a ajouté l’OSDH, qui dispose d’un vaste réseau de source en Syrie.