20 MINUTES 🔵 Pourquoi la chute du chauffeur de bus tué à Bayonne a-t-elle été fatale ?
Comment le chauffeur de bus, un robuste quinquagénaire qui pesait près de 100 kg, a-t-il été si gravement blessé par les coups à main nue des deux jeunes hommes aux gabarits moins imposants ? La cour d’Assises des Pyrénées-Atlantiques a écouté ce lundi les explications du médecin légiste Larbi Benali, qui a réalisé l’autopsie de Philippe Monguillot, décédé le 10 juillet 2020 après une altercation avec deux jeunes, cinq jours avant. Jusqu’à jeudi, Wyssem Manai et Maxime Guyennon, 25 ans, sont jugés à Pau pour violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner.
Les violences physiques commencent vers 19 heures à l’intérieur du bus avec un coup de tête porté par Philippe Monguillot à Wyssem Manai, comme en attestent les vidéos projetées à l’audience. On y voit le chauffeur de bus encerclé par plusieurs jeunes gens, qui « chahutaient » au fond du bus, selon les termes d’une enquêtrice de police. Le différend porterait sur le port du masque, obligatoire en cette période de crise sanitaire. Les jeunes gens ne sont pas les seuls à ne pas se plier à la règle et l’on voit sur la vidéo, deux passagères qui s’empressent de mettre leurs masques lorsqu’elles aperçoivent le chauffeur débarquer au fond du bus. Le médecin légiste est formel « le coup de tête n’a pas pu déclencher de lésions » chez le chauffeur.
« Sonné comme un boxeur après un K.-O. »
Après ce coup de tête, tout s’enchaîne vite. Le chauffeur de bus est projeté hors du bus et la scène où il reçoit des coups principalement au visage, de la part des deux accusés comme ils le reconnaissent l’un et l’autre, est hors caméra. On sait par exemple qu’il souffre alors d’une fracture sous l’orbite gauche « qui a pu être générée par coup de pied, car la tache ecchymotique diffuse évoque une surface plus grande qu’un coup de poing » commente le docteur Larbi Benali, expert auprès de la cour d’Appel de Bordeaux.
Sur les images de la dernière vidéo, on voit que Philippe Monguillot se relève et se dirige vers sa cabine, en longeant son bus tram. « Il est groggy, instable sur ses membres inférieurs, souligne l’expert. On peut dire qu’il est sonné comme un boxeur après un K.-O. » Le dernier coup de poing est porté par Wyssem Manai. « Il n’est plus alors en état physique de se défendre », précise l’expert. Le coup va entraîner sa chute, avec le crâne en hyperextension à l’arrière, car il n’a plus de tonus. Sur les images, sans le son, on voit qu’il tombe de tout son long sur le bitume, sans essayer de se retenir. Les témoins de la scène racontent qu’un bruit sourd a retenti. Cette chute sur un plan lourd occasionne une fracture en haut du crâne qui traverse entièrement la voûte crânienne, sur près de 17 centimètres.
Quels sont les coups mortels ?
Les deux accusés portent des coups de poing et pied dans la première phase, quand il est à terre. Mais, Maxime Guyennon essaye de retenir par la suite Wyssem Manai, au moment où le chauffeur se relève. Et c’est Wyssem Manai qui porte le dernier coup. D’où l’importance de savoir les effets des différents coups portés.
« C’est parce qu’il y a cette première phase de violences, qu’il y a cette seconde phase létal », affirme le docteur Larbi Benali. Mais, interrogé par maître Frédéric Dutin, l’avocat de Maxime Guyennon, il déclare aussi que « les coups sur la face n’ont pas de portée létale ». Il évalue à quinze jours l’interruption du temps de travail ITT, si on considère seulement les coups avant qu’il ne se relève. « Il fait près de 100 kg et il tombe comme une feuille, observe le médecin légiste. On peut penser que ce coup de poing a éteint toutes ses fonctions de vigilance et le traumatisme crânien est devenu létal ».
Dès sa prise en charge par les services de secours, les jours de Philippe Monguillot étaient en danger. « Le pronostic était irréversible après le choc, commente l’expert. Il aurait souffert d’une infirmité permanente si par miracle il s’en était sorti. »