20 MINUTES 🔵 Les lycéens de Ravel regrettent « l’ampleur d’une affaire qui n’en est pas une »
Les élèves de la cité scolaire Maurice-Ravel, dans le 20e arrondissement de Paris commencent à s’habituer à la présence de caméras et de journalistes devant les grilles de leur établissement. Ce jeudi matin, malgré la présence de six policiers à l’entrée de l’école, tous arrivent, sac sur le dos, comme si de rien n’était.
Pourtant la veille, leur ancien proviseur qui a démissionné après avoir été menacé de mort sur Internet suite à une altercation avec une élève au sujet de son voile était reçu par Gabriel Attal. Un peu plus tard dans la soirée, le Premier ministre annonçait qu’une plainte serait déposée au nom de l’Etat contre l’étudiante de BTS pour « dénonciation calomnieuse ».
Pas un sujet de discussion pour les élèves
« Ce n’est pas vraiment un sujet. À part le lendemain de l’annonce sur Pronote de la démission du proviseur, on n’en parle pas entre nous », explique Théo, 15 ans, assis sur le trottoir. Comme lui, tous les élèves s’accordent pour dire que le sujet n’est pas au cœur des discussions dans la cour de l’école.
« Franchement, à part la présence des médias, ça ne change pas grand-chose pour nous. Le proviseur, on le connaît de vue mais il n’est pas vraiment en contact avec nous tous les jours », ajoute Marc-Aurèle, lui aussi en seconde. À l’exception de « quelques séances de discussions » avec certains professeurs, l’histoire reste plutôt anecdotique pour son ami Lucas.
« Juste l’histoire d’un prof qui a engueulé une élève »
Les élèves notent tout de même la présence policière devant l’établissement et celle de trois personnels de sécurité qui font des rondes à l’intérieur. Symboles de « l’emballement » de l’affaire selon beaucoup d’entre eux.
« Il y a une vraie différence entre le calme à l’intérieur, et ce qu’on entend dans les médias et sur les réseaux sociaux », s’étonne Anaïs, élève en première. Avec son ami Marius, ils regrettent « l’ampleur d’une affaire qui n’en est pas une ». « C’est juste l’histoire d’un prof qui a engueulé une élève, ça ne devrait pas dépasser ce cadre », explique-t-il.
Cette histoire, ils sont nombreux parmi les élèves à vouloir la faire « redescendre » ce matin devant le lycée. D’abord parce que si les versions divergent, tous s’accordent pour dire que les faits ont été « gonflés ». « Au début, on a tous entendu que le proviseur l’avait giflée [l’élève qui refusait de retirer son voile]. Mais au fur et à mesure des discussions, on a compris que ce n’était pas ce qui s’était passé », explique Lucas, élève de seconde.
Diverses instrumentalisations des faits
« Est-ce qu’il lui a touché le bras et elle l’a mal compris ou mal pris ? Peut-être qu’il a été plus violent dans le ton que dans les gestes ? On ne sait pas comment elle l’a vécu, raconte Zoya, mais il sait qu’il y a beaucoup de témoins donc s’il porte plainte en disant qu’elle a menti, c’est qu’il doit se savoir innocent. »
« Le problème c’est que ça a été repris par des médias d’extrême droite et des gens comme Pascal Praud racontent n’importe quoi et font gonfler le truc, accuse Marius, la situation est regrettable, mais ce n’est pas une raison pour en faire des tonnes, parce qu’après ça arrive aux oreilles de personnes folles et ça finit comme ça, avec des menaces graves. »
Reprise par les médias, l’affaire serait aussi alimentée de l’intérieur par des élèves en demande de sensations… ou de vacances selon Killian, élève en première. « Il y en a qui s’amusent à raconter n’importe quoi sur les réseaux sociaux, juste pour s’amuser. Ça leur fait du divertissement. Mais il y en a aussi qui font ça en espérant qu’il y ait un blocage et qu’on puisse être dispensé de cours. »
Ça « fait beaucoup de peine » pour le proviseur
Ces mêmes élèves doivent alors se réjouir de l’annonce d’une plainte de l’Etat contre l’élève, ce que regrette personnellement Yasmine : « C’est excessif, on ne sait pas comment l’élève a vécu la situation. Peut-être que ce n’est pas si grave, mais il faudrait prendre le temps de discuter avec elle et le proviseur avant non ? » Posée, l’élève reconnaît tout de même qu’avec les précédents problèmes liés à la laïcité dans les écoles, certains garde-fous doivent être posés.
Elle, comme beaucoup d’autres regrettent surtout la situation du proviseur, « contraint » à quitter ses fonctions pour sa propre sécurité. Un retrait « qui fait beaucoup de peine », mais « logique » selon Marius. Pour Lise, « ce n’était pas à lui de partir, il a juste fait son métier, il n’avait pas à recevoir des menaces de mort pour avoir fait ça ».
Tout aussi triste, Killian aimerait que l’histoire retombe et qu’on parle davantage « des salles délabrées et de l’état de l’école » plutôt que d’une simple histoire de couloir de lycée.