20 MINUTES 🔵 Le pilote d’hélico pris en otage par Rédoine Faïd témoigne au procès
Voix cassée, silhouette courbée. Stéphane Buy, 70 ans, encore traumatisé, est venu témoigner ce lundi au procès de Rédoine Faïd. Il est le pilote d’hélicoptère pris en otage le matin du 1er juillet 2018 pour la spectaculaire évasion du braqueur multirécidiviste. C’est au prétexte d’un baptême de l’air que le pilote avait pris dans son appareil le père et le fils. Mais très vite après le décollage, ils avaient demandé à se poser dans un champ pour une envie pressante. « Ils vont uriner, je reste à ma place de pilote. Ça a duré quelques minutes et là … ».
Sa voix se casse, il s’arrĂŞte, s’excuse, ravale ses larmes. « Ils m’ont braquĂ© au sol, m’ont fait me mettre Ă genoux », articule pĂ©niblement StĂ©phane Buy, costume sombre, crâne dĂ©garni. « Si je n’obtempĂ©rais pas, ils tueraient quelqu’un dans ma famille », se souvient-il. Il craque Ă nouveau. « Ils m’ont dit : “On a quelqu’un devant chez toi” ». Dans le box, RĂ©doine FaĂŻd, pull rouge, fixe le sol.
Un parcours plein d’obstacles
Le pilote revit ensuite le trajet vers la prison, l’arrĂŞt pour rĂ©cupĂ©rer complices encagoulĂ©s et matĂ©riels. Les vols à « 5-10 mètres du sol en Ă©vitant les obstacles », pour ne pas se faire repĂ©rer. Puis les toits rouges de la prison de RĂ©au qu’ils aperçoivent avec son « logo Ă©norme qui dit “interdit de survoler” ». « Ils me montrent une toute petite allĂ©e triangulaire : pose-toi là ».
Pendant les sept longues minutes oĂą une partie du commando va chercher RĂ©doine FaĂŻd – StĂ©phane Buy avait lui perdu la notion du temps – il tient son hĂ©licoptère en vol stationnaire Ă un mètre du sol. Pour ne pas que les surveillants ne tirent sur l’appareil, avait expliquĂ© un enquĂŞteur Ă la barre.
Aspergé d’eau de javel
Puis les malfaiteurs reviennent, avec « un monsieur non cagoulĂ© », RĂ©doine FaĂŻd. « Il monte dans l’hĂ©licoptère, me tape sur le genou. Il me dit : “Je ne suis pas un terroriste, pas un tueur, dĂ©colle” ». « Je dis : “On va oĂą ?” ». « DĂ©colle ». Il suit les indications – « un coup Ă droite, un coup Ă gauche ». Pour finir par se poser près de Gonesse (Val-d’Oise) oĂą le roi de la « belle » lui dit : « T’inquiète pas, on va t’asperger d’eau de javel, c’est juste pour Ă©viter les traces ADN ».
Stéphane Buy s’interrompt, on pense qu’il va parler de la terreur qu’il a ressentie… mais il émet un petit rire presque honteux, avant de raconter pourquoi on l’a retrouvé torse nu. « J’avais un polo neuf, je l’aimais bien… C’est complètement idiot mais je voulais sauver mon polo, alors je l’ai enlevé ».
Rachid Faïd a « failli pleurer »
A la fin de son récit, la présidente Frédérique Aline fait se lever Rachid Faïd, qui partage le box avec son petit frère Rédoine et est soupçonné d’être le « chef » du commando. Elle lui demande s’il reconnaît être monté dans l’hélicoptère. Rachid Faïd, 65 ans, acquiesce. « Je suis désolé, j’ai failli pleurer en voyant comment il est choqué le monsieur », lance-t-il, visiblement touché.
A la barre, StĂ©phane Buy le regarde fixement mais ne rĂ©agit pas. La prĂ©sidente fait se lever RĂ©doine FaĂŻd. L’air grave et un peu solennel, il fait acte de contrition. Lui qui s’était dĂ©jĂ excusĂ© auprès de sa famille – deux de ses frères et trois neveux sont jugĂ©s Ă ses cĂ´tĂ©s – demande longuement « pardon » au pilote, pour avoir « un peu… beaucoup pourri votre existence par cette envie de libertĂ© », dit-il. Le pilote reste tournĂ© vers la cour, puis finit par le regarder, lĂ aussi sans un mot ni geste.