20 MINUTES 🔵 Inondations en Espagne : RĂ©chauffement climatique, bĂ©ton Ă  tout-va… Comment expliquer l’ampleur de la catastrophe ? – Shango Media
General-FRNews-FRONT-FR

20 MINUTES 🔵 Inondations en Espagne : RĂ©chauffement climatique, bĂ©ton Ă  tout-va… Comment expliquer l’ampleur de la catastrophe ?

L’eau et la boue ont tout emporté sur leur passage. Voitures, poteaux électriques, mobilier, vies humaines, etc. Alors qu’une partie de la région de Valence est toujours en alerte rouge, le bilan des inondations qui touchent le sud de l’Espagne depuis mardi est désormais de 158 morts. Sous la pluie qui continue de tomber, les secours cherchent encore des dizaines de disparus.

Le gouvernement a dĂ©crĂ©tĂ© un deuil national de trois jours, pendant que les images de dizaines de voitures charriĂ©es par une eau boueuse dans les rues continuent de tourner en boucle sur les chaĂ®nes d’informations. Comment expliquer l’ampleur de la catastrophe ? Plusieurs facteurs entrent en jeu et se sont combinĂ©s : rĂ©chauffement climatique, gĂ©ographie rĂ©gionale, bĂ©tonisation massive et service d’alerte dĂ©faillant.

Une catastrophe typique du réchauffement climatique

Pour comprendre la violence mĂŞme des pluies qui a touchĂ© la rĂ©gion de Valence, il faut prĂ©ciser la nature du phĂ©nomène mĂ©tĂ©orologique Ă  l’œuvre. « On est en prĂ©sence d’une goutte froide, c’est-Ă -dire d’une poche d’air froid en altitude qui rencontre un air chaud qui remonte Â», explique Ă  20 Minutes Freddy Bouchet, climatologue, directeur de recherches au CNRS et professeur attachĂ© Ă  l’ENS PSL. « De l’air chaud arrive du Sud et se charge en humiditĂ© en traversant la MĂ©diterranĂ©e, qui reste particulièrement chaude Â», dĂ©taille Marie-Antoinette MĂ©lières, physicienne et climatologue. Cet air chaud « remonte en arrivant sur des contreforts montagneux Â» et se heurte Ă  un « plafond froid Â». C’est la fameuse goutte froide, qui elle s’est dĂ©tachĂ©e plus tĂ´t du « courant jet polaire Â», et forme une « poche dense qui redescend Â», ajoute CĂ©lia Fontaine, formatrice pour l’association Fresque du Climat.

La rencontre de cet afflux d’air chaud et humide avec le « plafond froid Â» stable entraĂ®ne « des pluies intenses et renouvelĂ©es Â», achève Marie-Antoinette MĂ©lières. Un phĂ©nomène identique aux Ă©pisodes cĂ©venols, et qui n’est pas inhabituel en Espagne, s’accordent Ă  dire nos trois experts. Mais « avec le dĂ©règlement climatique, ces Ă©vènements vont se produire de façon plus frĂ©quente et plus violente, ce n’est que le dĂ©but Â», alerte CĂ©lia Fontaine. « On aura de toute façon une augmentation de ces Ă©vènements extrĂŞmes Â», acquiesce Marie-Antoinette MĂ©lières. L’épisode vĂ©cu en Ardèche il y a deux semaines en est un parfait exemple. « Aujourd’hui, les prĂ©cipitations sont plus intenses de 10 Ă  15 % par rapport Ă  un climat sans rĂ©chauffement Â», appuie Freddy Bouchet. Et autour d’une MĂ©diterranĂ©e qui se rĂ©chauffe plus vite que la moyenne du globe, il n’a pas fini de pleuvoir.

Montagne et béton, matrices des coulées de boue

La topologie de la rĂ©gion de Valence n’est pas Ă  Ă©carter pour prendre en compte l’ampleur des inondations. Comme le souligne Marie-Antoinette MĂ©lières, la prĂ©sence de contreforts montagneux est un Ă©lĂ©ment de la rencontre entre les masses d’air, et donc de l’apparition des pluies. « Ce genre de relief se trouve un peu partout sur le pourtour mĂ©diterranĂ©en, ça aurait aussi bien pu avoir lieu Ă  Perpignan ou Ă  Nice Â», soulève Freddy Bouchet. La gĂ©ographie n’est toutefois en elle-mĂŞme pas un « facteur dĂ©terminant Â» pour expliquer les inondations, si on ne prend pas en compte l’urbanisation de la rĂ©gion de Valence.

« Il y a des petits villages perchĂ©s dans la montagne, entourĂ©s de plein de petits cours d’eau et avec une forte urbanisation Â», souligne CĂ©lia Fontaine. « En cinquante-cinq ans, l’agglomĂ©ration de Valence a dĂ©truit 9.000 hectares de vergers sous l’action de l’urbanisation Â», soit la superficie de Paris intra-muros, souligne sur X le docteur en urbanisme ClĂ©ment Gaillard. Entre bĂ©ton, sĂ©cheresse et sols argileux mis Ă  nu, en plus d’une vĂ©gĂ©tation de plus en plus rĂ©duite, les sols impermĂ©ables n’ont pas pu encaisser « un an de pluie tombĂ©e en quelques heures Â». « Les petits cours d’eau ont dĂ©bordĂ© et la pluie a entraĂ®nĂ© la boue qui Ă©tait au fond Â», reprend CĂ©lia Fontaine, la charriant pour se dĂ©verser jusque dans les rues goudronnĂ©es de l’agglomĂ©ration de Valence, troisième ville la plus peuplĂ©e d’Espagne.

Un message d’alerte très tardif

Il faut ajouter Ă  ces facteurs devenus structurels un grain de sable dans la machine. Si l’agence mĂ©tĂ©orologique espagnole (Aemet) a bien Ă©mis une « alerte rouge Â» dès 7 heures du matin, les services de la rĂ©gion ont tardĂ© Ă  rĂ©agir. Le Centre de coordination opĂ©rationnelle intĂ©grĂ©e (Cecopi), chargĂ© de coordonner l’action des secours, ne s’est mis en ordre de marche que vers 17 heures, alors que la pluie tombait dĂ©jĂ . Pire, le message d’alerte de la Protection civile, Ă©quivalent au système FR-Alert, n’a Ă©tĂ© envoyĂ© aux habitants de Valence qu’à 20 heures, et mĂŞme 21 heures dans certains villages, relève El Pais.

Notre dossier sur le dérèglement climatique

Bien trop tard pour dire aux gens de ne pas sortir de chez eux. Toute la journĂ©e, malgrĂ© le danger, les habitants sont allĂ©s travailler, ont pris leur voiture, et nombre d’entre eux Ă©taient dans les embouteillages lorsque les rivières ont dĂ©bordĂ©. « Bien sĂ»r qu’il faut une bonne prĂ©vention, de bonnes prĂ©visions et un bon système d’alerte. Mais le risque est de chercher un bouc Ă©missaire Â», note Freddy Bouchet. Après les inondations de Cannes au mois de septembre, le maire David Lisnard a ainsi « attaquĂ© MĂ©tĂ©o-France de façon injustifiĂ©e Â», s’insurge le climatologue, mais « la responsabilitĂ© est situĂ©e bien en amont, dans le dĂ©ni du rĂ©chauffement climatique et des besoins en adaptation Â». Car d’autres inondations viendront.

Bouton retour en haut de la page
Fermer