20 MINUTES 🔵 France 5 : Comment raconter diffĂ©remment l’histoire d’Annie Ernaux qui s’est dĂ©jĂ  tant racontĂ©e dans son Ĺ“uvre ? – Shango Media
General-FRNews-FRONT-FR

20 MINUTES 🔵 France 5 : Comment raconter différemment l’histoire d’Annie Ernaux qui s’est déjà tant racontée dans son œuvre ?

Comment raconter diffĂ©remment Annie Ernaux qui, depuis cinquante ans, fait de sa vie, de ses expĂ©riences et de ses souvenirs la matière première de ses Ĺ“uvres ? Cette question, Coralie Miller se l’est longuement posĂ©e en prĂ©parant son documentaire sur l’autrice, Annie Ernaux, je suis nĂ©e quelque part, diffusĂ© vendredi sur France 5 et disponible sur la plateforme france.tv. Et elle a fini par trouver son angle : la Normandie.

« Au dĂ©but, j’avais pensĂ© Ă  appeler le film Les vingt-cinq premières annĂ©es car, dans cette rĂ©gion, pendant vingt-cinq ans, elle s’est construite en tant que fille, fĂ©rue de livres, adorant Ă©crire et voulant s’exprimer. En tant que fille de commerçants, Ă©galement. Ça a Ă©tĂ© sa matrice personnelle et intellectuelle Â», explique la rĂ©alisatrice Ă  20 Minutes.

« Je pense ĂŞtre arrivĂ©e juste avant qu’elle en ait assez Â»

Et de poursuivre : « Son histoire, on le sait, est celle d’une transfuge de classe. Elle a Ă©voluĂ© culturellement, socialement, grâce aux Ă©tudes. A 25 ans, Annie Duschesne est devenue Annie Ernaux en se mariant et en quittant la Normandie. Sa gĂ©ographie personnelle et familiale se mĂŞle Ă  son Ă©volution en tant que femme, engagĂ©e et Ă©crivaine. Â»

Coralie Miller, qui se passionnait pour les ouvrages d’Annie Ernaux en tant que lectrice, a nouĂ© un premier contact avec elle il y a deux ans, au moment oĂą le Prix Nobel de littĂ©rature lui a Ă©tĂ© dĂ©cernĂ©. « C’est le seul film auquel elle a acceptĂ© de participer. Je pense ĂŞtre arrivĂ©e juste avant qu’elle en ait assez, avance-t-elle. Tout au long du tournage, je l’ai rĂ©gulièrement entendu dire qu’elle Ă©tait tellement sollicitĂ©e, encore plus depuis le Nobel, que son grand souci Ă©tait de ne plus avoir le temps nĂ©cessaire pour pouvoir Ă©crire. Â»

« Approcher cette sensibilitĂ© Ă  laquelle on n’a pas accès Â»

Le timing Ă©tait le bon et, selon les termes de la rĂ©alisatrice, les planètes se sont alignĂ©es. Alors qu’elle a entamĂ© une correspondance par mail avec l’autrice de L’EvĂ©nement et des AnnĂ©es, elle a appris qu’elle allait faire son grand retour, en septembre 2023, Ă  Lillebonne, sa ville natale, oĂą elle Ă©tait invitĂ©e Ă  inaugurer le Festival du livre. « Elle devait y passer deux jours. C’était la première fois qu’elle y Ă©tait conviĂ©e officiellement. J’ai demandĂ© Ă  la suivre et j’ai Ă©tĂ© la seule camĂ©ra autorisĂ©e Ă  l’accompagner dans ce pĂ©riple, souligne Coralie Miller. Ce retour correspondait exactement Ă  ce que je souhaitais raconter. Il y avait quelque chose de très Ă©motionnel pour Annie Ernaux. J’ai pu approcher au plus près cette sensibilitĂ© Ă  laquelle on n’a pas forcĂ©ment accès avec elle. Cela a Ă©tĂ© ma façon Ă  moi de la raconter autrement. Â»

Annie Ernaux, je suis nĂ©e quelque part dresse, en une cinquantaine d’une heure, le portrait d’une Ă©crivaine majeure des XXe et XXIe siècles, devenue Ă©galement une icĂ´ne du fĂ©minisme. Coralie Miller envisageait au dĂ©part son documentaire comme un film « d’admiratrice Â», mĂŞme si elle concède que ce terme est « tout de mĂŞme un peu fort Â». Elle prĂ©fère ainsi parler « d’hommage Â».

Qu’est-ce que cela fait de nouer un lien et de suivre au plus près une personnalitĂ© qui compte pour nous ? « Je ne pensais pas Annie Ernaux en tant que personne, rĂ©pond la rĂ©alisatrice. Avant de la rencontrer, mon rapport avec elle se concentrait sur sa plume, sur ce qu’elle racontait, sur ses engagements. Je ne savais pas Ă  quoi m’attendre. Mais je sentais une grande humanitĂ© chez elle. Elle est fĂ©ministe et je le suis aussi, je me disais que cela pouvait crĂ©er une complicitĂ©. Il s’est passĂ© une rencontre entre Annie et moi, qui se retrouve, je pense, dans le film, dans sa façon de me rĂ©pondre et de me laisser l’approcher d’aussi près. J’ai dĂ©couvert une femme d’une très grande sensibilitĂ© et bienveillance. Â»

« Elle va droit au but, il n’y a pas de faux-semblant Â»

Les deux femmes ont multipliĂ© les rencontres, en Normandie, donc, mais aussi Ă  Cergy et Paris, l’une devant et l’autre derrière la camĂ©ra. Coralie Miller a ainsi dĂ©couvert que son interlocutrice pouvait ĂŞtre « catĂ©gorique Â» : « Il y avait entre nous un rapport assez franc. Elle va droit au but, il n’y a pas de faux-semblant Â».

A la fin du documentaire, Annie Ernaux lui confie qu’elle « Ă©crit sur le prĂ©sent dans [son] journal intime Â» et ajoute : « pour les autres, après ma mort Â». « C’est la dernière fois qu’on se parle ? Â», lui demande alors la rĂ©alisatrice. « Non, vous n’avez plus besoin, je n’ai plus rien Ă  dire Â», lui rĂ©pond l’autrice. « Et elle est partie comme ça. Cela n’avait rien de dĂ©plaisant du tout, nous prĂ©cise Coralie Miller. On a continuĂ© d’échanger après, mais je me suis dit que j’avais mon mot de la fin. Â»

Bouton retour en haut de la page
Fermer